Présenté en mars dernier au Cinéma du Réel, Le Prince Miiaou bénéfice, grâce à Zeugma Films, d’une sortie en salles. Il suit la réalisation, au printemps 2010, du troisième album de Maud-Élisa Mandeau – alias Le Prince Miiaou – de la conception des premières notes jusqu’au premier concert. Ce documentaire est à la fois une plongée dans les affres de la création, un portrait en creux de son artiste et la découverte d’un univers musical singulier que le cinéaste sait capter avec application et persévérance.
Qui n’a jamais éprouvé le désir de saisir à la volée un moment d’inspiration, cette chose fugace qui parfois nous traverse et s’estompe aussitôt ? Qui n’a jamais ressenti la curiosité naturelle, de comprendre comment s’organise ce petit quelque chose, cette intuition qui mènera à la constitution d’une œuvre ? On peut aisément imaginer que c’est ce type de questionnements qui a mené Marc-Antoine Roudil à la rencontre de Maud-Élisa Mandeau pour développer, sous couvert d’une belle confiance mutuelle, ce passionnant long-métrage. Reclus dans la maison de campagne de l’artiste, qui compose seule avec ses instruments et son ordinateur, Roudil réussit à pénétrer cette sphère intime et à faire oublier sa caméra. Il saisit alors les avancées et les doutes, la frustration du travail qui avance lentement, parfois régresse, et surtout la pugnacité de la musicienne, qui revient toujours au charbon, peaufinant les détails et les arrangements musicaux.
La méthode de tournage de Marc-Antoine Roudil est simple, mais elle porte ses fruits. Il s’agit de prendre son temps, à passer de longues sessions d’écriture et de composition avec la musicienne, afin de lui permettre d’apprivoiser la caméra et de capter, derrière le strass, l’éprouvant labeur de la création. À ce titre, le film documente autant le travail de composition que celui du cinéaste, rivé derrière sa caméra durant de longues heures, astreint à un devoir de réserve quant aux errances de l’artiste – qui justement le prend parfois à partie. C’est donc dans la durée des plans que s’échafaude la maquette de l’album, avec son lot d’euphorie et de renoncements, jusqu’à l’enregistrement, en petit comité, de la version finale de l’album. Le montage de Roudil, qui découpe le film en autant d’étapes de production (écriture, plusieurs phases d’enregistrement, mixage, répétition, concert) est d’une clarté bienvenue, et sait « choisir » ses morceaux sans donner le sentiment de transiter par des passages obligés.
L’humilité de la mise en image, qui cherche simplement à « rendre compte » – à la manière de celui qui se sait privilégié d’avoir été invité à assister à ce processus, et qui ressent le besoin de le partager – contraste avec le caractère haut en couleur de la musicienne. Le portrait pourrait presque être ingrat si elle n’était pas d’une désarmante sincérité, honnête et dure avec son travail, dans lequel elle met à la fois toute l’arrogance de la jeunesse et l’exigence de ceux qui vivent d’un métier qui les passionne. Son impatience pendant les prises de son (notamment l’enregistrement du chant), son désir de réussir, ses errements sont autant de petites choses que le cinéaste aura réussi à percevoir sans les souligner, à comprendre sans les voler. Entre ce caractère volcanique et le calme d’un cinéaste patient, il y a le labeur en commun, une complicité implicite qui a la modestie de ne pas s’afficher à l’écran, qui font de ce Prince Miiaou à la fois une belle rencontre et un document très estimable sur la création.