Un jeune couple et leur bébé emménagent dans une maison isolée au milieu d’une forêt irlandaise. L’homme est ici pour étudier un mystérieux mal qui ronge les bois, mais les habitants locaux, qui ne semblent pas prêts à les accueillir, les préviennent d’une menace étrange et cherchent par tous les moyens à les faire partir… Avec ce petit film d’horreur irlandais modeste mais bien mené, le jeune réalisateur britannique Colin Hardy signe une première œuvre efficace qui réactualise avec brio la double thématique de la peur en forêt et du franchissement des territoires interdits, malgré un changement de registre interne un peu bancal.
Cabin in the Wood
À son meilleur, le film se rapproche des Chiens de paille de Peckinpah, en proposant un personnage masculin protecteur métamorphosé (littéralement) en monstre de violence sous la pression d’un assaillant. Le parallélisme physique est évident (lunettes, chemise à carreaux et fusil de chasse) tout comme le schéma de la défense d’un foyer contre une violente adversité. Comme chez Peckinpah, Le Sanctuaire commence par l’entrée d’un corps étranger dans un territoire endémique, et se poursuit avec une montée sous pression et une explosion dramatique. Le film lorgne aussi du côté du fantastique un peu grotesque mais jouissif et régressif de Guillermo del Toro notamment dans sa seconde partie, plus explicite. En effet la découverte de l’étrange peuple qui hante ces bois désamorce les tensions liées à la menace inconnue, et cède la place à une surenchère visuelle plus impressionnante qu’effrayante. Le caractère inédit du bestiaire monstrueux qui harasse le couple et les formes originales des corps proposés, qui participent des plaisirs attendus du genre, sont cependant minorés par la révélation un peu trop rapide des enjeux en milieu de film. On regrette aussi la fable écologique latente (la révolte de la forêt ancestrale contre la déforestation) qui aurait pu être troquée pour une interrogation plus viscérale du rapport homme-nature, et qui rend relativement accessoire l’imaginaire baroque et sylvestre convoqué par le réalisateur.
Un glissement de tension
Cependant, les ressorts émotionnels de la crainte, construits autour de la vulnérabilité du nourrisson, fonctionnent assez bien, en particulier parce que le film parvient à doubler le sens du danger qu’il construit autour des personnages par une habile mise en doute de la situation : l’enfant que le couple s’acharne à sauver est-il bien celui que l’on croit ? Le suspense change alors d’objet, quittant le mystère qui plane sur la nature et les motivations des assaillants, pour contaminer à plus d’un titre la cellule familiale (l’identité de l’enfant, la sincérité du père…). Il faut souligner ici la qualité des interprétations (le visage pincé et inquiétant de Joseph Mawle), qui nourrissent l’affect pour les personnages et ouvrent la possibilité d’un trouble psychologique en dehors des situations de danger. Ce mouvement salvateur du film d’une menace extérieure à une menace potentiellement intérieure permet de se dégager des scènes de confrontation spectaculaires (pour une production indépendante) pour concentrer l’attention émotionnelle sur les nouvelles zones d’incertitude. Car c’est, comme souvent, dans ses zones d’ombres que ce film d’horreur forestier s’apprécie le plus franchement.