Julian Schnabel avait exploré les péripéties de la création dans la vie mouvementée du peintre Basquiat en 1996. Il a gardé, pour cette adaptation du best-seller Le Scaphandre et le papillon, son amour de l’expérimentation : flous constants, décadrages systématiques, dialogues décalés et voix off surplombantes sont au rendez-vous. Mais le réalisateur a tellement assemblé ses désirs d’expérience de mise en scène que le film devient rapidement lourd, démonstratif, et agaçant de politiquement correct.
Tout le monde connaît l’histoire tragique de Jean-Dominique Bauby, rédacteur en chef du magazine Elle : après un accident cérébral, il fut paralysé de la tête aux pieds, et réduit à ne pouvoir communiquer avec l’extérieur qu’en clignant de l’œil gauche. Armé de patience et de courage, et aidé d’une orthophoniste (très jolie et fraîche Marie-Josée Croze), et d’une assistante d’édition (la non moins jolie et fraîche Anne Consigny), il dicta durant plusieurs semaines un livre, devenu symbole de la résistance à la maladie, à ce fameux locked-in syndrome. Un sujet évidemment rêvé pour les amateurs de larmes et une nomination aux César pour Mathieu Amalric en perspective.
La surprise est que Le Scaphandre et le papillon ne joue pas tellement sur la corde sensible, si l’on exclut les passages obligatoires de musique enflammée et de souvenirs mémorables. Tout l’intérêt du film se situait donc dans la restitution de l’enfermement de Jean-Dominique Bauby dans son corps, sans pouvoir ni parler ni bouger: le choix fut simple et rapide pour Julian Schnabel qui filmera en caméra subjective ce que voit Bauby, dans le flou de sa propre vue sortant d’un coma de trois semaines. Cela dure vingt minutes et l’on se demande si tout le film sera plongé dans un parti pris aussi fatiguant pour l’œil du spectateur. Mais non, on va aussi nous montrer sa vie d’avant. Le montage devient alors très rapide, très saccadé, pour montrer (intelligemment ?) l’opposition entre le mouvement d’un être non handicapé et l’immobilité d’un handicapé. Mouais.
Il est toujours difficile de critiquer négativement une histoire écrite par un homme courageux dans une telle épreuve. Cependant, on ne s’empêchera pas de soupirer en entendant la voix off, parfois drôle (merci à Mathieu Amalric qui n’en reste pas moins un grand acteur), mais souvent lénifiante (très « cette vague qui n’atteindra jamais la dune »). Le faux lyrisme tient également aux séquences qui entrecoupent les scènes d’hôpital ou les flash-backs : Bauby parle des ces « petits ratages » qui ont formé son existence, on voit des glaciers s’effondrer. Il parle de la redécouverte de ses sens (redécouverte malheureusement faible), il s’ensuit une longue séquence de fleurs filmées en gros plans. Pffff.
Le thème est évidemment important et très difficile à adapter au cinéma. Mais, sans cynisme, pourquoi un film aussi retranché dans ses propres expérimentations techniques et, de fait, dépourvu de véritables émotions, se retrouve-t-il à Cannes, si ce n’est justement grâce à son thème ? La question du politiquement correct, ici, se pose réellement.