Le film commence et se termine par l’enterrement de « Mama Hindi », très mal interprétée par Hiam Abbass, la créatrice d’une école ouvertement a-politique et qui souhaite enseigner aux jeunes orphelins palestiniens les valeurs de leur culture et de leur histoire, dans un esprit humaniste et pacifique. L’histoire de la jeune Miral n’intervient qu’après nous avoir longuement présenté la directrice d’école et l’histoire détaillée de sa mère. Lorsque enfin l’intertitre « Miral » apparaît, on nous présente sa jeunesse à l’école, rebelle parce qu’elle veut défendre la cause des Palestiniens, puis amoureuse d’un Palestinien membre de l’OLP. S’ensuivent de nombreuses péripéties, des trahisons et des morts. Ajoutez à cela des séquences d’archives accompagnées de violons pour insister grossièrement sur la bêtise de la guerre et de la haine de l’autre. La belle et jeune actrice Freida Pinto incarne en revanche parfaitement Miral : son visage et son regard sont profonds et éloquents.
Parmi les qualités du film, car il en a, on peut retenir certaines séquences qui montrent que le réalisateur a la capacité d’offrir une esthétique plus riche, plus complexe, mais qui ne se révèle malheureusement que partiellement. Le cadrage, le jeu sur le flou ou la lumière sont intéressants mais ne permettent pas au film de tenir la route : cela reste ponctuel et inégal. Cela donne évidemment l’impression que le film aurait pu donner quelque chose de bien plus poussé. Prenons l’exemple de la scène du suicide de la mère de Miral : pendant cette séquence, la caméra prend la place de la mère qui se noie progressivement, au fil des vagues, et se clôt sur un magnifique plan de cette mer qui prend alors la valeur symbolique d’un lieu, non plus de vie, mais de mort. Cette mer, Miral la reverra de l’appartement de sa tante, juste avant de rencontrer une jeune Israélienne, Ruth. L’amitié entre ces deux jeunes filles, qui se noue sur une plage, remplace alors le désespoir symbolique de la mère de Miral. Le symbole est là et le réalisateur ne manque pas d’humour pour apporter un peu de légèreté à cette rencontre : la tante de Miral qui ne parle qu’arabe lorsque sa belle-fille israélienne vient déjeuner chez elle, rien que pour la mettre mal à l’aise, alors qu’elle parle parfaitement anglais.
Remarque sans doute anecdotique, mais symbolique de l’irréalisme du film : tous les personnages parlent anglais. On entend ici et là de l’arabe ou de l’hébreu, évidemment, on est en droit de se demander pourquoi un tel choix dans la langue. Par ailleurs, mêler niaisement une histoire sentimentale au débat politique ajoute encore une louche de manichéisme entre les bons Palestiniens et les mauvais Palestiniens, entre les bons Israéliens et les mauvais Israéliens. Certes le sujet est assez difficile et délicat, mais alors, pourquoi le choisir ? Pourquoi nous asséner de violons pendant les images d’archives ? Le réalisateur semble résolu à nous donner la quadrature du cercle, un film politique mais apolitique, car il ne veut vexer personne, à l’instar de cette école, pour laquelle la directrice n’accepte aucun fond politique, que ce soit palestinien ou israélien. L’intention de Julian Schnabel est peut-être louable, puisqu’il veut réunir les deux peuples, mais l’ensemble manque de finesse et de subtilité : défaut aussi grand que la complexité du sujet qu’il veut traiter.