Comme on tourne les pages d’un manuel d’amour, du coup de foudre au divorce jusqu’à l’étape ultime – retomber amoureux –, Leçons d’amour à l’italienne passe d’un chapitre à un autre, sans transition, quand il voudrait donner des recettes pour être un parfait amoureux. Malheureusement, si l’idée est jolie, on est bien loin de la maestria qui caractérise la grande comédie italienne, et la sauce est indigeste.
Ah ! L’amour, le grand, le vrai, le beau ! On y passe tous un jour, et souvent par les même étapes : le coup de foudre, la vie à deux, la crise, le divorce, retomber amoureux. Et si toutes les histoires se ressemblent, toutes sont uniques aussi. C’est ce qui manque au film de Giovanni Veronesi ; il n’y a pas de personnages uniques. Les Giulia, Tommaso, Barbara, Marco et autre Goffredo sont les stéréotypes de périodes dans l’amour, presque inhumains tant ils incarnent chacun un genre amoureux : le jeune fou foudroyé par la beauté d’une donzelle et qui fait tout pour la conquérir, le couple passé la quarantaine, en pleine crise dont il ne sait pas lui-même comment en sortir, le cinquantenaire abandonné, belle situation, magnifique maison, mais délaissé par sa femme, elle-même sur le point de divorcer.
C’est joli, propret, réalisé de manière honnête, mais ça n’a pas de chair. On aimerait qu’un personnage émerge, mais Giovanni Veronesi met bout à bout une succession de sketches poussifs dont rien ne décolle. Certes, tout le monde pourra passablement se reconnaître dans les moments de bonheur de Tommaso et Guilia, comédie de l’amour autour de la rencontre divine, des plaisirs partagés, de la demande en mariage, de la lune de miel sous les cocotiers. Poncifs. Qui n’a pas vécu aussi le moment, interprété par le couple Marco/Barbara, où tout ce qu’on aimait chez l’autre nous devient insupportable, par trop de routine partagée, trop d’habitudes, par manque de souffle, d’enfant ? Ou le déchirement d’un divorce, laissant Goffredo seul face à son désespoir, tandis que sa femme avoue à l’avocat de Goffredo, et alors que le haut parleur du téléphone est enclenché, qu’elle a une double vie depuis des mois, et que l’autre la rend vraiment heureuse ? Clichés. Certes, il n’y a rien à redire du casting, la belle Jasmine Trinca (vue récemment dans Le Caïman), ou encore l’homme stable qu’incarne Carlo Verlone en Goffredo. Tous sont vifs, le jeu est enlevé, on sourit de certaines situations, même convenues, comme la contractuelle trompée par son mari qui le frappe et le pousse dehors avec hargne, ou encore devant la scène du dîner entre amis où les hôtes ne trouvent rien de mieux, au dessert, que de faire visionner aux invités la cassette de l’accouchement de Madame. Mais tout cela est tellement déjà vu, et finalement, rien dans ces Leçons d’amour à l’italienne ne renouvelle le genre de la comédie romantique.
D’autant que ce qui aurait pu faire l’originalité du film est mal exploité. Ce « manuel d’amour » ‑on se demande au passage pourquoi le titre original, Manuale d’Amore, n’a pas été gardé pour la version française- existe vraiment. C’est un obscur docteur, surtout un ramasseur de billets via l’écriture de best-sellers faciles et accrocheurs, qui l’a écrit. Une version audio accompagne les livrets de chaque étape de la vie amoureuse : ces CD sont enregistrés par Livia, jeune et belle mère célibataire à la voix douce. La scène d’ouverture du film la montre dans un studio d’enregistrement, en clair obscur, devant le micro où de sa belle voix suave elle dit le texte d’accompagnement du CD Coup de foudre : « On ne maîtrise plus rien lorsqu’on est amoureux, c’est le cœur qui commande, pas nous. L’être humain ne sait pas pourquoi il tombe amoureux. Il est chaviré, et c’est tout. Maintenant, prenez la télécommande et sélectionnez la piste n°1 de ce CD. Bonne chance…»
Tout aurait pu être bien mené autour de ce « prenez la télécommande» ; si Giovanni Veronesi avait trouvé un ton décalé, un deuxième degré des grandeurs et petitesses amoureuses qu’un charlatan exploite à des fins commerciales, en utilisant le personnage de Livia comme une distance par rapport aux clichés de l’amour, alors son film aurait pris une toute autre dimension, et aurait ressemblé à une véritable comédie : juste et touchante, et affranchie des stéréotypes de l’amour, mis à distance mais vers lesquels on revient, forcément, mais de façon ô combien plus légère.