Difficile d’ignorer la déferlante Bronzés 3 qui submerge notre beau pays depuis déjà plusieurs semaines. Coup marketing sans âme d’un cynisme rarement assumé, Les Bronzés 3, amis pour la vie nous ramène tout simplement à la triste réalité de la comédie populaire française, de la grosse bouffonnerie bien beauf définitivement fâchée avec la mise en scène.
Qui aurait cru que cette suite, vingt-sept ans après Les Bronzés font du ski, ferait couler autant d’encre au moment de sa sortie en salles? Des projections presses filtrées au coût mirobolant – et franchement honteux – de la production (35 millions d’euros qui sont allés pour l’essentiel dans la poche des acteurs-scénaristes), le dernier «film» de Patrice Leconte a tous les atouts pour s’attirer les faveurs d’un grand public nostalgique des deux premiers volets des aventures d’une bande de Français moyens rediffusées jusqu’à plus soif chaque année sur les chaînes hertziennes. Mais tous les ingrédients aussi pour s’attirer les foudres d’une critique avec laquelle Patrice Leconte n’a jamais eu d’excellents rapports et qui s’est, à raison, offusquée de ses atteintes à la liberté de la presse.
Mais à voir le film, on sait pourquoi la troupe du Splendid et le réalisateur avaient tout intérêt à ce qu’il ne soit pas visible avant le fameux verdict du premier jour d’exploitation. Pour atteindre le but fixé pour satisfaire les actionnaires (10 millions d’entrées), Les Bronzés 3 doit avant tout compter sur la précipitation du spectateur qui n’a rien lu ni rien entendu du contenu de ce nouvel épisode car si le bouche-à-oreille fait son travail, la fréquentation devrait s’essouffler en un temps record.
À la fin des années 1970, début des années 1980, lorsque sortent coup sur coup Les Bronzés, Les Bronzés font du ski et Le Père Noël est une ordure, la troupe du Splendid sait quel public elle vise dans sa peinture au vitriol du trentenaire, Français moyen issu de la classe moyenne. Même si la réalisation de Patrice Leconte et de Jean-Marie Poiré n’avait déjà pas marqué les esprits, les différents films valaient surtout pour leur fraîcheur, leur entrain, leur nombre incroyable de répliques cultes débitées par des acteurs qui n’étaient pas encore encombrés d’une filmographie parfois consternante.
Mais aujourd’hui, difficile de ne pas voir dans ces Bronzés-là l’empire que chacun s’est bâti à coups de succès populaires pas toujours glorieux. Le scénario – abracadabrant de bout en bout – n’est qu’un mauvais prétexte à une succession de scènes où chacun va y aller de son insupportable numéro tout en se gargarisant de blagues consternantes sur les Noirs et les homos. Peu aidés par l’absence totale de mise en scène (on ne compte même plus les faux raccords) et de direction d’acteurs, les comédiens s’enfoncent peu à peu dans le grotesque et la caricature.
Les fans de la première heure risquent de ne plus voir leurs films cultes de la même manière. Ces retrouvailles forcées, fabuleux prétexte à faire beaucoup de fric avec un minimum d’efforts, sentent à ce point le rance que le spectateur lambda devrait pour une fois ne pas s’y tromper. Ce néant d’une heure trente-cinq est l’exemple parfait de ce qui participe à l’abrutissement des masses. Insulte au septième art, mépris pour le grand public, le bien mal nommé Les Bronzés 3, amis pour la vie devrait rejoindre les suites malheureuses au panthéon des merdes honteuses du cinéma français.