Un Patrice Leconte en 3D, tel est le programme de la nouvelle réalisation du célèbre metteur en scène. Adaptant le roman à succès de Jean Teulé Le Magasin des suicides, il s’essaie pour la première fois à l’exercice difficile du film d’animation. Dans une ville morose où la seule échappatoire réside dans la pendaison, l’empoisonnement ou la défenestration, le commerce des Tuvache se porte à merveille. Ils vendent en effet depuis plusieurs générations tout le nécessaire pour réussir son suicide. Mais la crise guette.
Lucrèce et Mishima, les patrons du magasin des suicides sont les malheureux parents de Marilyn et Vincent. Mais quand Lucrèce accouche d’Alan, tout change. Le bambin respire la santé et la bonne humeur, mettant à mal la sinistrose indispensable à la bonne tenue du commerce. Avec la grande sœur adolescente qui tombe amoureuse et le paternel à deux doigts du suicide, rien ne va plus chez les Tuvache.
Pour réussir un bon film d’animation qui engrangera des entrées au box-office, il faut répondre intelligemment aux attentes du jeune public (le cœur de cible du métrage) et assurer le divertissement des adultes accompagnateurs. Savant mélange que Pixar a parfaitement intégré alors que Disney peine à trouver le dosage. Mais quid des Français dans tout ça ? Avec Le Magasin des suicides, Patrice Leconte, le roi de la comédie française des années 1980, tente de concilier un sujet pas franchement folichon pour les enfants (le suicide et son traitement ironique) avec un univers cartoonesque drôle. Piochant dans l’iconographie d’un Tim Burton époque L’Étrange Noël de Monsieur Jack pour le macabre et chez Disney pour la structure musicale (de nombreuses chansons ponctuent le film), le réalisateur démontre dès les premières minutes ses limites dans l’art difficile de l’animation.
Les personnages pâtissent d’un manque de caractérisation, versant sans subtilité dans la caricature. Si cet effet était accentué par des leitmotivs (visuels ou musicaux) ou une mise en scène distincte pour chacun, on pourrait s’attacher à leurs personnes. Mais ils ne véhiculent aucune aspérité, aucun sentiment, rien à quoi s’attacher. Alan, le petit garçon détonateur de la mécanique fictionnelle, apparaît comme le joyeux drille, mais sans raison affirmée, sans justification. Le penchant suicidaire du père qui surgit au milieu du film (élément comique à souhait pour un vendeur de mort) ne sert qu’à évincer le personnage du cadre, pour que la métamorphose familiale se déroule sans hic. À vouloir éviter les conflits entre les héros, sel d’une comédie réussie, Leconte aplatit son récit, le transformant en suite de vignettes peu convaincantes et sans relief. Un comble pour un film en 3D.
Peu créatif, alors que le sujet aurait pu permettre toutes les audaces et le mauvais esprit, Le Magasin des suicides s’enlise dans une ritournelle gentillette, faite de séquences pseudo-psychédéliques avec chansons à l’appui (pénibles) jusqu’à un final ébouriffant de mièvrerie (revendiqué par Leconte, la fin imaginée par l’auteur lui paraissant trop pessimiste). On s’ennuie ferme dans ce magasin. Heureusement la grivoiserie française s’invite lors d’une scène de strip-tease osée (la grosse Marilyn et sa danse du voile). Seul petit moment d’amusement devant ce spectacle finalement bien triste.