London Nights a terminé sa tournée des festivals (Sundance, Berlin, Rotterdam, Paris Cinéma, Les Arcs) et arrive sur les écrans. Un objet filmique chic rapidement plombé par son omniprésente intention arty.
Ayant vécu à Barcelone puis à Londres, l’Argentin Alexis Dos Santos a sans doute plus que saupoudré London Nights d’éléments autobiographiques. Barcelone-Londres, c’est le trajet qu’accomplit Axl (tiens tiens…) dans la scène d’ouverture. On le découvre lourdement ensommeillé dans un train, l’image passe difficilement du flou au net, la situation du personnage appartient davantage au premier statut qu’au second. De dérives en errances nocturnes, le jeune homme passe de bras en bras (visiblement sans préférence entre filles et garçons), de lits en lits. Au bout du 21e matelas, il prend racine dans un squat branché où l’on mène la vie de bohème. Mike, qui l’a recueilli, fait office de sherpa bienveillant dans la jungle londonienne. Au petit matin, il croise furtivement Véra (Déborah François), pour qui ça ne va pas fort : gros gros chagrin d’amour.
Le film est ainsi basé d’un point de vue narratif sur un système d’alternance entre Véra, soignant cette vilaine blessure, et Axl (Fernando Tielve) qui se radine dans la capitale anglaise à la recherche du père. Véra et Axl vivent dans la même maison, mais ne se connaissent pas, se frôlent, mais ne se rencontrent pas, du moins jusqu’à ce que ça finisse par advenir, parce que sinon, à quoi bon… Le hasard et la rencontre, c’est le principe dans lequel s’inscrit London Nights, comme une dérive mélancolique. D’autant plus qu’Axl est très porté sur la bouteille et ne garde pas le moindre foutu souvenir de ses exploits ; quant à Véra, elle s’essaie à une relation avec un charmant garçon sous la forme de rendez-vous flous et incertains. Le jeune héros finit par mettre le grappin sur un père potentiel, qu’il suit avant de se faire passer pour un client de l’agence immobilière où travaille cet homme rangé et gris.
Alexis Dos Santos ne ménage pas ses efforts pour que son film ne ressemble point à cette figure paternelle sans relief. Il déploie une variété formelle, un certain plaisir à jouer avec les lumières nocturnes, parfois blafardes, tantôt criardes, en contrepoint de personnages cadrés serrés. En diurne, ce sont des exercices de contre-jour qui s’organisent parfois avec une insistance plutôt irritante. Différents statuts d’images sont également convoqués : photographies, images fixes animées, super 8. Le tout bercé par une bande musicale choisie, qui a le mérite d’être présente sans être tout à fait envahissante.
Cette imagerie sophistiquée pour mettre en scène ces solitudes qui ne se rencontrent pas ne sont pas sans faire songer au Wong Kar Wai de Chungking Express ou des Anges déchus. Cet outillage foisonnant relève surtout d’une artificialité pesante et poseuse, London Nights est traversé par une forme de volontarisme forcené à vouloir faire « artiste ». Et tout ceci est mené avec sérieux et sans grande fantaisie, ce qui renvoie souvent à la forme filmique d’un beau magazine qui aurait pour thème la culture urbaine chic et indie. Une scène est peut-être à retirer du lot, celle où Véra et Axl se retrouvent véritablement en présence pour la première fois, ivres dans une fête du squat ; ils se livrent alors sans retenue, le tout en étant affublés d’une tête de licorne pour l’une, de gorille pour l’autre. Ici le film marche à peu près sur ses deux sabots, mais pour l’essentiel, on ne retrouve pas, par exemple, la même fraîcheur risque-tout de Xavier Dolan dans J’ai tué ma mère, ni la même intensité et nécessité.