Prenant ses distances avec les habituelles fictions emphatiques sur les professionnels du service public (type Hippocrate ou Polisse), L’Ordre des Médecins a le bon ton de ne pas (trop) ressembler à un manifeste sur le corps médical. Si le film n’évite pas certains passages didactiques, c’est plutôt par l’intrigue que se révèle l’humanité de ses personnages : la vanité de Simon, pneumologue, finit ainsi par lui exploser au visage lorsqu’il constate, désemparé, la détérioration de la santé de Mathilde, sa mère, suite à sa récente hospitalisation. La séquence de cette prise de conscience est poignante par ses non-dits et sa simple expression gestuelle : ne pouvant emmener seul sa mère faire un examen, Simon demande de l’aide à Fred, son collègue et ami. Ayant découvert la mauvaise nouvelle lors du scanner, Simon, à bout de force et abattu, laisse Fred prendre son relai et replacer Mathilde sur son fauteuil roulant, laissant éclater sa double impuissance, en tant que médecin et en tant que fils.
Récit en miroir
Le film scinde ainsi son récit en deux parties, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie : au chapitre consacré aux actes du praticien se succède celui dédié aux gestes familiaux (Simon dans son rôle de fils, de frère et d’oncle). Les multiples allers et venues du personnage principal dans les couloirs de l’établissement constituent ainsi une sorte de passerelle entre sa vie professionnelle et sa vie privée, permettant d’évacuer toutes les tensions émotives du quotidien hospitalier et les frustrations de ses rapports familiaux.
Ce récit en miroir est finalement conclu par une belle et poignante scène : filmé derrière la vitre d’une salle (les reflets du personnel venant d’ailleurs se superposer sur sa silhouette), Simon apprend que l’intubation qu’il vient d’accomplir en urgence sur une patiente a été salvatrice. Pris d’émotion, il ne peut retenir ses larmes – larmes ambivalentes, entre joie et peine, puisque des vies ont été perdues, tandis que d’autres ont été sauvées. Bien plus qu’un portrait de médecin, le film s’attache surtout à déceler l’être derrière la fonction, avec justesse et réussite.