Il y a dix ans, Kad et Olivier – ils n’avaient pas encore de nom de famille – étaient déjà sur le déclin, disons-le franchement. Leur humour, qui s’était toujours situé sur une brèche fragile entre l’absurde bien senti et la gaminerie lourde, commençait sérieusement à roupiller, et Mais qui a tué Pamela Rose ? en a fait les frais. Si ce n’est pour quelques blagues bien trouvées, et un certain regard de biais sur l’imaginaire américain et sa vision française, le film, sans méchanceté, est un navet oubliable. Il a sonné le glas des années Kamoulox et autres authentiques réussites comiques, laissant penser que les bricolages télévisuels et scéniques réussissaient mieux au duo que la bringuebalante machine cinéma – ça devrait nous rappeler quelque chose. C’est aussi l’époque où Kad Merad a commencé à devenir ce qu’il est aujourd’hui : une sorte de plouc bankable, la tête à claques de service pour tous les premiers rôles de quinqua loser du cinéma comique de grande exploitation. Une image pas des plus flatteuses mais qui lui a valu une grande réussite grâce à une omniprésence à l’écran. Olivier Baroux, pendant ce temps, s’est discrètement effacé…
C’était une peine évitable, mais il a fallu déterrer Pamela Rose. La déterrer physiquement, puisque le film s’ouvre avec la violation de sa sépulture et le cambriolage de son corps. Le geste est un appel du pied à une lecture méta, à laquelle les humoristes s’adonnent à demi-mot, se mettant en scène rouillés, dépassés, boudés par le monde. Devant eux se présente un travail que plus personne ne veut leur confier, une opportunité de refaire leurs preuves là où des plus jeunes, plus beaux, plus énergiques ont pris leur place. La métaphore se prolonge dans la confrontation des deux personnages, et on serait presque tentés de se référer à leurs écarts de carrière, à travers un Olivier ramolli, cantonné à de l’animation pour les enfants au siège du FBI, et un Kad agent de terrain. Mais il ne faut pas se leurrer : même si ce niveau de lecture correspondait à une réelle intention (ce qui est peu probable), il mériterait beaucoup plus de volontarisme. La seule chance qu’avait Mais qui a re-tué… de dépasser la mollesse de son écriture, c’était d’attaquer frontalement échecs et fêlures de la carrière de Kad et Olivier à travers leurs alter ego inspecteurs : une opportunité pour le film de se trouver non seulement plus malin, plus honnête, et très probablement plus drôle. À ce niveau, le rendez-vous est manqué.
Au bout du rouleau
Plutôt que de questionner son présent à la lumière de son passé, le duo tente de réchauffer des vieilles recettes à l’identique et s’écrase bruyamment. On ne rit pas, ou presque pas. La mécanique comique est la plus fainéante qui soit. Le premier socle est un excès prétendument second degré (c’est un peu facile) de la répétition à outrance, déprimant quand il nous dégoûte d’une bonne idée en l’écartelant de la sorte, insupportable quand le gag est déjà mauvais la première fois – voir la scène de la porte qui ne veut pas rester ouverte, insoutenable. Le deuxième est un pot-pourri autoréférencé qui, sous couvert de connivence nostalgique avec le public qui les suit depuis vingt ans, cache mal le tarissement de l’inventivité du duo – voir la blague du scotch. Le troisième n’est que sorties de terrain téléphonées mettant en scène le film en train de se faire, l’écriture du scénario, et autres vannes éculées – voir l’édifiante scène où Kad et Olivier, après une heure de film, se rendent compte (explicitement) qu’il reste une demi-heure à remplir. Faut-il y voir de l’autodérision ? Peu probable. Plutôt une sorte de confort grassouillet du comique qui n’a plus rien à prouver à personne, dans un déclin pire que le seul émoussement, puisque grossièrement satisfait de lui-même, de ses ficelles routinières, de sa vulgarité ramollie. Une seule certitude émane de cette désolante suite : il n’y a plus à attendre de Kad et Olivier que cette sorte d’insistance ronronnante.