En vacances de REC avant la quatrième partie (c’est son compère Paco Plaza qui réalise le troisième épisode), Jaume Balagueró revient derrière la caméra en solitaire pour un projet qui lorgne du côté de l’univers d’Alex de la Iglesia. Prometteur aux yeux des amateurs d’humour noir et de mauvais esprit, Malveillance ne convainc pourtant pas, faute d’une véritable implication de son réalisateur.
De son propre aveu, c’est l’exploration des expressions de la peur qui a motivé l’implication de Jaume Balagueró dans Malveillance, adapté d’un scénario d’Alberto Marini. Après le très effrayant REC, Jaume Balagueró donne, cette fois, dans une froideur des plus curieuses. Suivant les pas de son héros, le malveillant (donc) concierge César (Luis Tosar), le réalisateur se place au croisement du Sam Raimi des premiers films (Mort sur le grill, surtout), du trio Zucker-Abrahams-Zucker (Top secret !, Y‑a-t-il un pilote dans l’avion et sa kyrielle de suites) et de Roman Polanski. Jaume Balagueró partage en effet avec le réalisateur du Locataire une volonté de construire un théâtre de l’angoisse, de donner corps et images à des murs oppressants. Étonnante conversion, le réalisateur travaille à présent de façon horizontale.
Alors que son concierge, qui ne connaît le bonheur qu’en causant le malheur des autres, veille donc consciencieusement à pourrir la vie des locataires à chaque étage de son immeuble, le réalisateur refuse d’utiliser la dimension verticale, voire à utiliser l’espace des couloirs entre les appartements. C’est un revirement impressionnant, pour un réalisateur qui a toujours eu à cœur d’utiliser pleinement son espace cinématographique : REC, ou le prometteur Darkness créaient ainsi des espaces labyrinthiques, étouffants, qui avaient sans doute aucun leur part dans le potentiel horrifique de ces films. Jaume Balagueró tourne donc le dos à ce style oppressant pour construire, avec Malveillance, une sorte de galerie de saynètes théâtrales filmées, de sketchs qui se voudraient macabres, tels des vignettes de l’univers dessiné de Gahan Wilson, le tout centré autour de l’appartement de la jolie Clara (Marta Etura), qui a le tort de ne jamais se laisser abattre. Ce postulat se pose en prémisse d’un film mesquin et jouissif, un délire de sale gosse qui évoque irrésistiblement l’univers d’Alex de la Iglesia – si cela se fait au moyen d’un changement de style réfléchi et prégnant, pourquoi pas ?
Mais Jaume Balagueró semble aussi sclérosé que sa mise en espace : il refuse constamment de s’impliquer dans les actes de son anti-héros, que ce soit pour en rire, ou pour en exploiter le potentiel horrifique. Pourtant, le titre original du film, « Mientras duermes » renvoit à l’émission par laquelle débute REC, « Pendant que vous dormez », ainsi qu’à l’obsession de Jaume Balagueró pour le sommeil et les ténèbres, clairement identifiable dans Darkness, La Secte sans nom et REC. Mais, on ne sent jamais le cinéaste réellement concerné. D’une méchanceté pourtant impressionnante, le personnage du concierge pervers ne suscite jamais la sympathie du spectateur – ni d’ailleurs du réalisateur, qui ne juge ni n’endosse son personnage.
Si s’éloigner de l’hystérie perpétuelle de REC n’est certainement pas une mauvaise chose, l’excès inverse, adopté ici par Jaume Balagueró, permet de découvrir les limites de ce cinéaste pourtant prometteur : intéressant lorsqu’il s’agit de considérer les ombres projetées sur les murs, il ne sait manifestement que faire lorsqu’il s’agit des ténèbres de l’âme.