En dépit de son titre aux allures d’aveu préalable, le troisième long de Fred Cavayé bénéficiait d’une réelle bienveillance ; ceci moins à cause du précédent film du réalisateur, À bout portant, honnête polar maniériste dans la lignée des productions que le cinéma français s’entête à développer depuis l’irruption de Jason Bourne, qu’à la lumière de sa première tentative, Pour elle. Le cinéaste y réussissait un joli tour de force en rendant vraisemblable l’improbable histoire de cette œuvre nerveuse, efficace, que magnifiait aussi la stature de son interprète, Vincent Lindon. Film-somme au moins de ce point de vue, Mea Culpa réunit le même Lindon et le héros d’À bout portant, Gilles Lellouche, pour un thriller musclé en mode touche-pas-à-mon-fils dont on pressent dès les premières images (flashback sur des scènes de bonheur familial et balnéaire, interrompu par LE traumatisme) qu’il risque d’enliser son spectateur dans une sourde impression de déjà-vu. Un pressentiment qui se trouve hélas assez vite confirmé, tant il semble qu’on se soit employé ici, à rebours et toujours dans le domaine du « sauvetage familial », à rendre invraisemblable une histoire largement prévisible.
Un digest des clichés du genre
Mea Culpa enfile les poncifs et défonce les portes ouvertes quatre-vingt dix minutes durant, sur fond de vie de flic brisée, de paternité/amitié problématiques, de truanderie internationale et de trahison, avec pour protagonistes une brochette de stéréotypes bas du front campés sans grande ambition. Un panachage de clichés si opiniâtre que le plus raisonnable reste sans doute de ne pas les énumérer, en se contentant d’indiquer qu’ils balisent quasiment le film du premier au dernier plan. Soit donc un scénario souvent fruste, lesté de sidestories superflues (le convoyeur persécuté, l’amant de l’ex épouse…), qu’une réalisation certes assurée ne suffit cependant pas à sublimer. Papa protège son fiston contre les méchants, argument prétexte à des scènes d’action sur-mixées dans lesquelles chaque coup de poing détonne comme un avion passant Mach 1, entrecoupées d’un concours de regards noirs, le tout dans une atmosphère de « flic story » crépusculaire, ponctuellement zébrée par le soleil de Provence ou, donc, quelques souvenirs élégiaques avec du flare dedans. Les amateurs apprécieront ou non.
Mea Culpa ressemble ainsi à la rencontre moins fortuite que hasardeuse sur une table de montage d’un scénario façon Luc Besson, des marottes d’Olivier Marchal (lequel, justement, a suggéré l’idée du film) et des intentions esthétiques d’un émule de Paul Greengrass ; autant de formules suffisamment employées depuis des années aux quatre coins de l’industrie pour qu’on puisse proposer d’autres noms et combinaisons, d’ailleurs. En résulte une succession de scènes sommairement efficaces en termes d’action et de situations grossières, avec pour humoristes en chef une horde de Yougos caricaturalement patibulaires et assez pavloviens côté kalach’. Une bonne série B pouvant survivre à ses invraisemblances voire même s’en nourrir, on ne s’attardera pas sur la relative absence de réalisme de l’ensemble ou ses quelques acmés ratées (cf. une scène d’interrogatoire pas forcément inepte au départ, mais où l’on débrancherait le cathéter un peu comme la prise électrique d’une bombe chez les ZAZ). Cela n’a, paraît-il, pas empêché les studios US de faire main basse sur les droits de remake du film, lequel avait en un sens déjà fait main basse sur la plupart des ingrédients fréquemment recyclés par ces mêmes studios dans ce type de production – bonne nouvelle pour la balance commerciale française, il reste donc possible de vendre du sable aux bédouins. Mais faire déjouer Vincent Lindon ou bouffonner à ce point Gilles Cohen, flic en chef dépassé et élément comique (volontaire) du film, c’est rude. Mea Culpa, entend-on ? Faute avouée est à demi pardonnée : souhaitons à l’auteur de Pour elle de se refaire, sans attendre pour cela les majors.