De ce film à sketchs réalisé collégialement, on retient avant tout la présence de Jean Dujardin, circonstances exceptionnelles obligent. Entièrement porté par l’acteur tout juste oscarisé et son complice Gilles Lellouche, le projet n’est cependant pas le naufrage que l’on pouvait craindre. Si l’ensemble manque de cohérence, la faute à une écriture lourdaude qui ne permet pas d’éviter les lieux communs et les retournements les plus prévisibles, quelques échappées (qu’elles soient potaches ou plus dramatiques) permettent au film de faire amende honorable.
Les Infidèles est le cas typique d’un film qui aura parfaitement réussi à créer un buzz avant sa sortie en salles. Il y eut d’abord cette campagne d’affichage qui provoqua une telle levée de boucliers de la part des associations féministes (on y voyait des actrices dans des positions qualifiées de dégradantes) que quatre d’entre elles finirent par être interdites. Mais l’objectif de communication fut atteint : à l’instar de l’affiche officielle de Nicolas Sarkozy, celle des Infidèles fut détournée et parodiée, installant un peu plus confortablement le projet dans les favoris du box-office de début mars. Mais on peut également féliciter les distributeurs d’avoir choisi opportunément la date du 29 février pour sortir le long-métrage. Encore perçu comme un film de beaufs il y a quelques semaines, Les Infidèles bénéficie de cette aura magique et rarissime (pour un film français) post-Oscar, la dernière remise de prix ayant définitivement starifié Jean Dujardin. On en viendrait presque à trouver les César anodins dans cette opération de lancement (lire l’édito).
Probablement pour éviter le piège du film-chorale qui avait fini par polluer les écrans de cinéma français, Jean Dujardin (qui est à l’origine du projet) a choisi d’en confier la réalisation à plusieurs metteurs en scène aux univers relativement différents, au risque d’en limiter la cohérence, de ne proposer qu’une enfilade de sketchs plus ou moins heureux. C’est malheureusement la principale limite du film, tant l’ensemble manque considérablement de souffle, se contentant trop souvent de remplir un cahier des charges, offrant par moments quelques instants « composition d’acteur/actrice » alors que le projet aurait certainement gagner à se prendre moins au sérieux (à l’image de ce final un peu plus déjanté que le reste du métrage) et à repousser la limite des conventions. Seulement, sur un sujet comme celui-ci, l’infidélité, les réalisateurs n’ont jamais vraiment d’autres choix que d’en revenir à une lecture morale – sans non plus être moralisatrice – et normalisatrice. Le spectateur est souvent amené à prendre parti, à se poser en juge d’une mise en situation jouant maladroitement de cette prétendue guerre des sexes qui continue de faire le sel des magazines féminins. C’est finalement dans ses interludes ou lors de cet improbable cours de rééducation à la fidélité (dispensé par Sandrine Kiberlain) que le film se débarrasse de cette tentation un peu polluante.
Pourtant, quelques jolis moments surviennent sans qu’on s’y attende : un gros plan sur le visage d’Alexandra Lamy lorsque le doute s’immisce (dans le segment d’Emmanuelle Bercot), une succession de plans sur un Gilles Lellouche désemparé, attendant sa jeune amante à la sortie d’une boîte (signée Éric Lartigau), ces scènes dessinent par interstices la solitude des personnages et laissent entrevoir ce qu’aurait pu être l’autre versant du projet. Mais l’absence d’équilibre, l’effritement presque instantané de ces partis pris (Emmanuelle Bercot imite Woody Allen puis se vautre dans le médiocre drame psychologique) ramène le projet à son objectif initial : divertir son public grâce à l’abattage de ses deux acteurs principaux. Le dernier segment, tourné à Las Vegas, est en ce sens peut-être le plus honnête. Gilles Lellouche et Jean Dujardin s’y mettent en scène dans un délire psychédélique aussi gratuit qu’improbable, marchant dans les pas d’un Ben Stiller chauffé à blanc. Comme l’a prouvé son récent sacre dans The Artist, c’est donc bien du côté du pastiche du cinéma américain que Dujardin a fini par trouver sa place, même si la gamme de rôles qui s’offrent à lui semble considérablement réduite.