Curieux calendrier autour de Fred Cavayé, petit artisan récemment apparu du thriller français courant après l’efficacité hollywoodienne. Alors que son nouveau film vient à peine de sortir – tout juste deux ans après le précédent Pour elle – voici qu’on nous amène le remake américain de ce dernier. D’une imitation de genre plutôt typé jusqu’à son décalque dans le milieu d’origine : l’aller-retour transatlantique offre une étrange occasion de comparer deux artisanats de cinéma où le plaisir du travail personnel passe définitivement après la satisfaction du travail bien fait, deux « qualités » aussi formatées que peu enthousiasmantes. Pour elle souffrait, comme beaucoup de ses congénères, de ses efforts trop visibles – quoique, soyons honnête, plus humbles et moins ridicules que dans, au hasard, Ne le dis à personne – pour faire du cinéma américain rhabillé à la française. Sa réincarnation hollywoodienne, plus dans son élément, ne souffre évidemment guère de ce genre de complexe, et arrive à raconter avec moins de gêne cette histoire d’un homme ordinaire basculant dans l’illégalité pour faire évader sa femme de prison. Pour autant, l’existence même des Trois Prochains Jours n’en laisse pas moins perplexe.
Photocopie d’imitation
Le film de Paul Haggis est en effet la copie fidèle de celui de Cavayé, à la séquence près, sans la moindre valeur ajoutée autre que l’assurance du faiseur hollywoodien familier du genre. De l’ancien créateur de séries télé Haggis, on connaît les grosses paluches de scénariste et de réalisateur de cinéma pour traiter de l’histoire (Dans la vallée d’Elah, le diptyque d’Eastwood sur la bataille d’Iwo Jima), du social (Collision) ou simplement de l’irruption des émotions (les derniers James Bond). Ici, il dose sa lourdeur habituelle en collant au scénario original dont il reprend à son compte le moindre élément, le moindre ressort psychologique (très basique : l’angélisme trompeur et contrarié du mari, la lucidité douloureuse de la femme, l’attachement aux valeurs familiales au bout du chemin), la moindre oscillation d’emphase et de suspense (oui, il y a toujours une scène, à peine plus maligne que la version française, pour nous rassurer sur l’innocence de l’épouse), se gardant consciencieusement de chercher à dépasser un tant soit peu ce matériau des plus conventionnels. Hormis un effort pour rendre certains passages un peu plus lisibles et moins brouillons que chez Cavayé (telle la rencontre, ici dilatée, du mari avec une autre femme qui ne lui est pas insensible), rien ne vient apporter quelque nuance que ce soit au programme d’origine, ni la mise en scène typique du professionnel secoué des tics en vigueur dans le thriller passe-partout, ni le morne jeu d’acteurs (Crowe fait du Crowe comme Lindon faisait du Lindon, Elizabeth Banks sortie de son registre comique habituel peine autant que Diane Kruger dans le rôle de l’épouse détenue).
De ce film, ce n’est pas tant le statut de photocopie – high-quality – d’imitation qui gêne, que l’absence de réelle ambition qui le motive – perceptible même par ceux qui n’auront pas vu l’original. Si Pour elle était mû avant tout par un attrait – certes pas très productif – pour l’éclat d’un genre essentiellement étranger, qu’est-ce donc qui a justifié la production des Trois Prochains Jours, qui ne fait que ramener à la case départ le matériau traité, en langue anglaise avec des acteurs bankable sur le marché US ? Le Français était le produit d’un vague désir, l’Américain ne se résume qu’à un produit tout court, issu d’un calcul minimal pour continuer d’alimenter à moindre coût la machine à divertir. On ne sait laquelle des deux formes de médiocrité est la plus triste.