Non pas une histoire, mais des histoires dans ce second film de Diego Lerman. Différents personnages et différents destins tissent une toile en forme de récit dans le Buenos Aires actuel. Il y a le vendeur stérile, la jeune enfant couverte de boutons, la femme de ménage humiliée par le chien d’une famille de bourgeois… Mais cette façon de vouloir toucher à un grand nombre de personnages sans une véritable volonté apparente de transmettre quelque chose, rend ces histoires inexistantes et sans saveur aucune. Porté par une mise en scène fade, ce film montre une fois de plus que confirmer les espoirs suscités par un premier film n’est pas chose aisée.
Au début du siècle, les cinéphiles balbutiants pouvaient avoir l’impression que l’éclosion du cinéma argentin allait de paire avec la naissance de leur regard. Le cinéma offrait un monde et, à un rythme effréné, des hommes et des femmes semblaient nous envoyer des nouvelles d’un ailleurs dont nous n’avions pas idée, d’un ailleurs qui s’appelait Argentine. Le pays était alors empêtré dans une crise économique incompréhensible pour qui s’embrouille dès qu’il a affaire à des nombres composés de plus de trois chiffres. Certains ont bien sûr parlé alors de cette éclosion comme d’une nouvelle vague argentine. Quelques années plus tard, il est intéressant de voir si cette irruption de films n’a été qu’une flambée sans lendemain, et quels sont les cinéastes qui ont confirmé les espoirs mis en eux.
Tan de Repente, le premier film de Lerman, avait, dans un noir et blanc intelligemment utilisé, offert une histoire en forme d’échappée pour trois filles un peu paumées. Loin d’être un chef d’œuvre, ce film avait pourtant quelque chose de nerveux, de brutal. La caméra de Lerman était en osmose parfaite avec ce qu’elle filmait. Les corps de ces jeunes filles, les paysages sinistres, désolés et l’Océan délivraient le plus simplement du monde un sentiment de fraîcheur finalement assez peu courant dans le cinéma actuel. Le sujet était tenu du début à la fin et laissait présager que ce cinéaste n’allait pas en rester là.
Mais avec ce deuxième film, tout semble avoir disparu. La tentative d’élaborer une esthétique a ici été totalement mise à l’index. Alors que l’on pouvait avoir l’impression qu’un regard était en train de naître, qu’une forme et qu’une écriture cinématographique voyaient le jour, Mientras Tanto semble avoir abandonné toute ambition formelle afin de chausser, certes avec aisance, un style d’une fadeur terrible, un académisme au fond très « indépendant », mais dans ce qu’il y a de pire, c’est-à-dire dans le style Sundance. Et il y a un agacement physique à voir ce film. Les sons, les images, le rythme, les regards, et ce en dehors des enjeux dramatiques, provoquent une impression de fausseté irritante. Certains cadrages et l’ambiance sonore prêtent même à rire, tant on se demande ce que cherche à éveiller en nous le cinéaste.
D’une mise en scène paresseuse à un script qui ne fait qu’effleurer de multiples personnages, Mientras Tanto pèche par son manque d’ambition et de personnalité, par son manque de nerf et de parti pris. Cela dit, espérons qu’un troisième film de Lerman fera renaître en nous l‘intérêt suscité par le premier.