Trois ans après la sortie de Refugiado qui décrivait la cavale d’une mère et de son jeune fils tentant d’échapper aux coups d’un conjoint violent, le nouveau film de Diego Lerman s’intéresse à nouveau au cas-limite d’un instinct maternel malmené par des événements extérieurs. Il s’agit ici de Malena, brillante doctoresse d’une quarantaine d’années, débarquée de Buenos Aires au fin fond de la campagne argentine pour récupérer le bébé qu’une femme sans le sou a accepté de lui donner en échange d’une prise en charge matérielle. Impatiente de voir son désir de mère se réaliser, Malena est de tous les plans, fébrile et agitée, en interaction permanente avec tous les locaux qui trempent plus ou moins dans la magouille. Empathique au possible, la caméra nerveuse du réalisateur colle au plus près du personnage, s’attachant à rendre palpable chaque obstacle susceptible de contrarier son futur projet. Tout en éclairages naturels, la mise en scène s’échine à décrire un environnement aux contours indéchiffrables, où les espaces (les murs de l’hôpital, les habitacles de voiture et les bureaux isolés) semblent toujours avoir quelque chose à dissimuler. Avec une certaine dextérité, le réalisateur parvient à capter le délitement du temps qui sépare Malena du moment où elle pourra s’enfuir avec le bébé tant attendu, laissant éclore à quelques instants ce que la situation comporte d’étrangeté sournoise.
Charger la barque
Seulement, Diego Lerman ne parvient pas à s’en tenir à ce dispositif minimaliste. Rapidement, il multiplie les effets soulignant de manière trop littérale la voie dangereuse empruntée par la doctoresse. D’un accident de voiture à une attaque d’insectes, tout concourt à mettre la protagoniste en position d’extrême vulnérabilité, incapable de réagir comme il faut face à des demandes qui paraissent de plus en plus intéressées. Par moments, le réalisateur réussit avec un certain brio à cristalliser l’enjeu autour d’un détail, comme par exemple le fait d’obliger la mère biologique à porter l’enfant en sortant de l’hôpital pour éviter d’éveiller les soupçons. Mais à force de recroqueviller le propos sur l’impatience de Malena, Notre enfant se vide rapidement de tout autre enjeu. Tout au plus soulignera-t-on l’injustice des inégalités sociales inhérentes à l’existence de tels contrats, donnant au passage une image peu aimable de l’héroïne, monstre d’égoïsme qui découragerait n’importe quel militant en faveur de la GPA. Pourtant, nul doute que le film voudrait nous faire adhérer au parcours du combattant de la jeune femme : mais à force de répéter les mises à l’épreuve (le contrôle de police) et les décisions prises en dépit du bon sens (l’enlèvement), le scénario ne fait que trahir (involontairement ?) l’absence de hauteur de vue d’un personnage obnubilé par cette adoption censée réparer un traumatisme plus ancien. L’obsession qui contamine littéralement tout le film et dans lequel il aurait pu puiser son énergie se retourne malheureusement contre lui : le résultat se limite à une opposition trop schématique entre deux mondes que tout oppose et qui ne parviendront jamais à se compléter dans leurs manques respectifs.