Premier long métrage du Belge François Pirot, Mobile Home place des personnages face à la difficulté de se lancer dans l’existence. Film, spectateurs, récit et personnages vivent une même expérience : le surplace.
Le décor est vite planté, celui d’une petite bourgade ennuyeuse à souhait : son Proxi, son café, ses ronds-points, sa rue principale déserte, ses pavillons avec parterres de fleurs. Deux copains y traînent leurs guêtres : Simon revenu chez papa et maman après une rupture amoureuse et professionnelle ; Julien vivant avec son père convalescent, songeant à aménager une grange pour se faire un chouette logement. Tout ça n’est pas très glamour. Ces trentenaires rêvassent devant Google Earth et se disent qu’il ne serait pas raisonnable de refaire du rock dans un garage comme à l’adolescence, ils décident donc de tailler la route en embarquant dans un camping-car. Ressortir la guitare, vivre de peu en mettant du sel dans une existence devenant tout à coup aventureuse et nomade. Sauf que les grands espaces se font attendre. En effet, alors que les Ardennes belges ne sont pas franchies : la panne et la facture salée. On passe du road movie à son contraire : la stagnation.
Contrarier ce mouvement initial est une idée intéressante, formulant un jeu spatial, mettant à l’épreuve les désirs et dotant l’ensemble d’une forme d’absurdité – vivre tout près de chez soi dans ce mobile-home. Mais le film pavé de bonnes intentions l’est aussi de lieux communs. Au rang desquels la passagère surprise et les amourettes, les parents (Julien : mère compréhensive, père intolérant), les petits et grands dilemmes, les doutes sur le bien-fondé d’une entreprise moins solide comme un roc que prévu. Interprété par des comédiens convaincus mais inégalement convaincants (Guillaume Gouix plus qu’Arthur Dupont, qui gagne ici, haut la main, ses galons de Romain Duris d’outre-Quiévain), il manque surtout un souffle qui ferait sortir le film du sillon de son écriture sans relief.
On pense à Eldorado de Bouli Lanners, qui filmait la minuscule Belgique comme de grands espaces américains, brouillant ainsi l’idée de proche et le lointain, aussi à Home d’Ursula Meier qui parvenait à créer une forte tension en faisant vivre un hors champ pour cette famille de Robinsons installée au bord d’une autoroute reprenant du service, pour leur plus grand malheur. Rien de cela ici, François Pirot échoue justement à rendre le hors-champ et l’espace un tant soit peu vivants, acteurs du film. Mobile Home suit pénardement sa trajectoire de comédie douce-amère à prendre comme une petite leçon de vie sur les grandes espérances et les petites blessures de l’existence. Car oui, la vie et le bonheur, ça n’est pas si simple ; signalons aussi que le feu, ça brûle, et que l’eau, ça mouille. À partir de l’échec du départ, le film n’en finit pas de finir. Quant à Julien, il termine dans un champ terreux, les pieds dans la glaise, Mobile Home n’a pas attendu si longtemps.