Une maison isolée dans les bois, des meurtres, un personnage principal sadiquement éprouvé par les événements, une réalisation nerveuse et inventive… Ah, que l’on aurait aimé pouvoir, en disant cela, parler de l’Evil Dead 2013, tout juste sorti et indigne de l’héritage de Sam Raimi ! C’est l’Indonésien Joko Anwar qui peut, avec ce Modus Anomali, justement s’en prévaloir. Hélas, les prémices prometteurs du film sont vite dénoncées : ce qui eût fait un très honnête court métrage n’en fait pas un bon long…
Incompréhensible et fascinante, l’idée de base de Modus Anomali n’est pas forcément des plus originales : placer le spectateur main dans la main avec un personnage à qui tout échappe. Pourquoi, comment, qui : il ignore tout, nous avec lui, et les indices disséminés par Joko Anwar se font ardemment désirer. L’exécution, en revanche, fait montre d’une hargne et d’une inventivité bienvenue : la première demi-heure du film réserve ainsi des moments de pure adrénaline, qui ne sont donc pas sans évoquer la folie – aujourd’hui passée, si l’on en croit Le Monde fantastique d’Oz – de la mise en scène de Sam Raimi. Peu à peu, ainsi, les pièces du puzzle nous sont octroyées, peu à peu elles s’emboîtent, alors que l’image globale reste mystérieuse…
…et c’est là que le soufflé retombe. S’il demeure intriguant de par sa parcimonie, le film souffre de véritables trous narratifs qui, plus que pour tout autre genre, font apparaître le sous-genre particulier du film à twist final comme une baudruche dégonflée. La mise en scène de Joko Anwar perd bientôt de sa saveur, à force de répéter ses effets, pour ne laisser, aux dernières minutes de film, que l’impression d’un film prenant, vif, hargneux où le réalisateur s’implique avec force et enthousiasme, sur un canevas dont le mystère, bancal et se permettant de tristes facilités, ressemble finalement à une petite arnaque.
Tourné dans l’urgence, sur huit jours si l’on en croit Joko Anwar, Modus Anomali a le panache des séries B pleines de passion et d’inventivité – un panache pourtant sali, d’une part par les facilités que s’autorise le scénario, d’autre part par l’incapacité de sa réalisation à tenir la distance. S’en serait-il tenu à sa première demi-heure, nerveuse et captivante, Modus Anomali aurait fait un excellent court métrage. Le remplissage formel et narratif qui lui permet de rajouter une heure à son film n’est pas, hélas, du plus grand intérêt.