Coécrit avec le scénariste Rasmus Heisterberg (Millenium, Royal Affair), Northwest dévoile un Danemark sombre sous la forme du thriller social, à partir des recherches effectuées par le réalisateur Michael Noer auprès de gangsters de Copenhague. Allier film de genre et radiographie sociétale, l’entreprise est de plus en plus fréquente dans le cinéma danois. Pour son deuxième long-métrage, Noer pratique cet exercice avec une certaine finesse, même si la finalité de son propos demeure vague.
Gangster moderne
Nordvest (« Northwest » pour l’international) est un quartier populaire de Copenhague. Casper, dix-huit ans, y survit avec sa mère, son frère cadet et sa jeune sœur. Pour soutenir l’économie familiale vacillante, il multiplie les larcins dans les quartiers pavillonnaires et revend ses trouvailles à Jamal, receleur de la cité. Bientôt, Casper veut aller plus loin, voir plus grand. Il se fait embaucher par Bjorn, un gangster d’envergure, responsable d’un réseau de prostitution. Peu à peu, le petit caïd glisse du délit au crime. Dépassé par les événements, enivré par l’argent, galvanisé par le charisme de son nouveau mentor, il entraîne son frère Andy dans son sillage. Mais Casper est-il un vrai dur ? Et jusqu’où est-il prêt à aller pour accéder à la reconnaissance du milieu ?
Northwest se construit sur ces interrogations pour explorer la chute inéluctable d’un gamin partagé entre l’appât du gain et la protection des siens. Par petites touches (un poster dans le décor, un jeu avec un miroir), on suggère subrepticement la fascination de Casper pour les gangsters du cinéma américain. Le bad boy danois, maladroit et impulsif, rappelle étrangement un certain Vinz, qui avait la haine dans la France de 1995. Mais, contrairement au héros kassovitzien, Casper possède une faiblesse qui rend sa déchéance plus complexe et douloureuse : l’amour fraternel. La violence de certaines scènes est d’autant plus grande qu’elle est toujours mise en contrepoint avec des moments intimes, où Casper retrouve sa famille le temps d’une séquence (comme lors de cette fête d’anniversaire avec des fillettes déguisées en princesses, interrompue par une mission urgente) ou seulement le temps d’un plan (pour échanger un regard ou une accolade avec son frère Andy dans une situation critique).
Flou artistique
Ce film, certes touchant, présente tout de même un handicap structurel. L’issue fatale, inscrite dès le début dans le parcours des deux frères, donne lieu à une progression tendue mais linéaire. La succession des événements apparaît comme autant de passages obligés au traitement attendu (apprentissage de la boxe, découverte du proxénétisme, sorties en boîtes de nuits, rixes à mains nues, attaque armée…). La place accordée aux émotions, contenues mais vives, donne bien une profondeur sensible à ce thriller social. Dans le traitement psychologique du duo instable entre Casper et Andy, Northwest esquisse son identité propre, mais elle demeure timide. D’un point de vue formel, Michael Noer ne parvient pas à s’émanciper d’un style convenu : l’image granuleuse et les mouvements trépidants en caméra épaule sont-ils incontournables lorsqu’on montre des lieux de relégation et des actes délictueux ? Ces choix sont dommageables, voire paradoxaux, pour un film où l’on sent pourtant la volonté d’une appropriation personnelle du genre. Seulement, la démarche n’est pas complètement aboutie, en l’absence d’un propos clair pour soutenir l’essai stylistique.
Si Northwest parvient à faire dérailler la trame générique et à surprendre notre horizon d’attente par l’émotivité poignante de ses personnages (jusqu‘à leur faire perdre le contrôle de leurs fonctions intestinales), il s’achève sur un vide. Le dernier plan relègue d’ailleurs la violence hors champ pour nous laisser littéralement dans le flou, aussi bien celui de la profondeur de champ que du propos. Le programme du film (la précarité mène au trafic, le trafic à la violence, la violence à la mort) est exécuté avec précision, mais ne laisse guère entendre ce que Michael Noer peut avoir à dire de particulier une fois ce constat établi.