En suivant le parcours de quelques juifs partis d’Odessa, Michale Boganim espérait probablement faire un grand film mélancolique. Au bout du compte, l’absence de rythme et de structure relègue ce projet ambitieux au titre d’essai raté et soporifique.
Odessa… Odessa… Odessa… ce nom de ville incantatoire a probablement inspiré plus d’un cinéaste épris de mélancolie. Avec ce documentaire en forme de triptyque, Michale Boganim a certainement voulu cerner le mystère qu’englobait le nom de cette ville. Pour cela, la documentariste a choisi de suivre le parcours de quelques exilés juifs d’après-guerre. Que ce soit aux États-Unis ou en Israël, la ville d’Odessa reste dans le cœur de chacun. Son nom résonne inlassablement comme celui d’un paradis perdu.
Si la toute première partie du film – de loin, la plus réussie – s’en tient à revenir sur les vestiges d’Odessa, vieille ville industrielle et portuaire de la mer Noire, les deux tiers restants se perdent en digressions – souvent inutiles – sur les parcours – plus ou moins originaux – des petites gens qui ont refait leur vie ailleurs sans pour autant jamais oublier l’amour qui les liait à leur terre natale. Loin de la ville russe chargée d’histoire, certains se sont égarés dans les nouveaux lotissements sans âme du désert américain ou israélien, une autre chante encore au coin d’une rue new-yorkaise. Le déracinement, la perte de nombreux points de repères sont devenus le lot de toute la diaspora juive d’Odessa.
Souhaitant nous sensibiliser à ces quelques destinées plutôt chaotiques, Michale Boganim hésite pourtant entre rire et compassion, se refusant à privilégier le parcours d’un personnage plutôt qu’un autre. Du coup, l’ensemble du projet donne une impression de décousu et toute empathie pour ces personnages hauts en couleur s’avère difficile. L’absence de rythme et, de manière générale, de toute proposition cinématographique (mis à part ces innombrables panos et travellings dont la cinéaste use et abuse) rend le projet assez indigeste et totalement soporifique. Mais plus que de l’indifférence, Odessa… Odessa ! suscite aussi un certain malaise car, à force de distanciation, la position de Michale Boganim gagne en ambiguïté. Devant ce foutoir sans queue ni tête, le destin de ces personnages est minoré, rendu totalement anodin. Conscient du ridicule de certaines de ces situations, le réalisateur flirte parfois avec la condescendance.
Sans jamais douter de ses faiblesses, le film ose pourtant les références les plus prestigieuses du cinéma soviétique. Mais il ne suffit pas de répéter inlassablement « nostalghia » (Andreï Tarkovski) ou de faire plusieurs inserts inappropriés sur les célèbres marches d’Odessa (Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein) pour faire oublier que Odessa… Odessa ! est un documentaire bien faible qu’on aura vite fait de ranger dans un placard.