En passant pour la première fois derrière la caméra, Christian Clavier espérait certainement se refaire une nouvelle jeunesse, après plusieurs échecs successifs en tant qu’acteur. S’il s’empare a priori d’un sujet d’actualité (l’homoparentalité), ce premier film est pourtant d’une ringardise épouvantable : pas du tout écrit et mis en scène, terriblement mal joué, On ne choisit pas sa famille s’offre même le luxe, en 2011, d’afficher un racisme décomplexé.
C’est assez difficile à croire aujourd’hui mais entre 1993 et 2007, soit sur les quinze années qui séparèrent Les Visiteurs du Prix à payer, Christian Clavier fut l’acteur le plus rentable du cinéma français (cinq films à plus de huit millions d’entrées), tutoyant au sein du box-office les maîtres d’antan de la comédie made in France (Louis de Funès, Bourvil). Par un étrange concours de circonstances, c’est l’année où son ami Nicolas Sarkozy accède aux plus hautes fonctions de l’État que les choses se gâtent : les films se raréfient et font des bides (L’Auberge rouge en 2007, La Sainte Victoire en 2009). Pour conjurer ce mauvais coup du sort, Christian Clavier décide de passer derrière la caméra (tout en conservant le premier rôle, rassurons-nous) et de s’emparer d’un sujet plutôt surprenant pour un soutien affiché de la droite populiste et bling-bling : l’homoparentalité. Pour cela, il joue donc le frère d’Helena Noguerra, sommé de se faire passer pour le mari de la compagne de celle-ci, Muriel Robin, afin de pouvoir adopter une petite Thaïlandaise, le pays refusant désormais l’adoption aux célibataires (et donc encore moins aux couples homosexuels).
Sur un canevas extrêmement rebattu — deux personnalités que tout oppose forcées de cohabiter ensemble — mais qui peut toujours se révéler efficace, Christian Clavier enchaîne dès les premières minutes les situations poussives : hystérique, beauf et radin, le personnage qu’il incarne accepte par pur intérêt financier d’accompagner Muriel Robin à Bangkok où les catastrophes les plus consternantes sont censées s’enchaîner. Sans aucun sens du rythme, égrainant les blagues d’une ineptie totale, On ne choisit pas sa famille ne tarde pas à révéler son nauséabond visage. D’un racisme décomplexé, le film donne un cliché de la Thaïlande pour le moins discutable : les habitants y ont de repoussantes grandes oreilles, parlent comme des abrutis, trempent systématiquement dans la mafia ou séjournent dans des prisons où même Bridget Jones n’oserait pas chanter « Like a Virgin ». Pire, la gastronomie y est une véritable épreuve, ce qui vaudra, le réalisateur l’espère sûrement, toute la complicité condescendante des Français pour ce peuple qui ne connaît décidément pas le raffinement culinaire. En 2011, Christian Clavier ose donc la comédie néo-colonialiste totalement assumée où on peut se permettre le luxe d’offrir sur un simple coup de tête un magasin de jouets à plusieurs dizaines d’orphelins.
Pourtant, apprendre qu’une comédie populaire ose s’emparer d’un sujet de société qui agite toujours autant la classe politique avait de quoi intriguer. Si le scénario évite les clichés douteux sur les lesbiennes, on émettra certaines réserves lorsque Jean Reno (désespérément mauvais) est chargé de tabasser un jeune gay qui, selon ses dires, aurait invité un jeune Thaïlandais à se prostituer. Amalgame et raccourci, quand tu nous tiens. Au bout du compte, On ne choisit pas sa famille reste une très mauvaise comédie de droite et l’homoparentalité n’est pas vraiment ce qui intéresse Christian Clavier (la moralité finale du film est d’ailleurs celle du mensonge opportun). Il s’agit pour lui de s’emparer plutôt d’un sujet-prétexte pour avoir la possibilité de gesticuler et de crier des onomatopées pour combler le vide intersidéral du scénario. S’il est des films sur lesquels on peut débattre, il est néanmoins rare d’atteindre ici un tel niveau de ringardise au point de se demander comment, du réalisateur aux acteurs en passant par les producteurs, nul n’a pu anticiper ce spectacle navrant et prévoir son probable désastre lors de sa sortie en salles.