Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu ? s’ouvre sur un générique programmatique : constitué d’une série de cartons, véritable patchwork de couleurs où chaque personnage est annoncé par des attributs spécifiques (par exemple, une menorah pour le personnage de David Benichou), il se clôt sur la forme d’une maison, laquelle se confond dans un fondu avec la demeure de la famille Verneuil. À chaque personnage se voit ainsi assigné une caractéristique qui le distingue d’autrui, l’identifie, le définit une fois pour toute. L’ambition du film est claire : d’une pluralité d’appartenances, il s’agit de faire maison commune. Cette ouverture témoigne également d’un (léger) déplacement des enjeux par rapport au premier film : le générique de celui-ci reposait sur un découpage strictement égalitaire en cela que chaque couple était cadré à l’identique devant le maire (l’État), tandis qu’un mouvement de caméra révélait, à chaque mariage, le regard des parents des jeunes femmes qui signalait l’angoisse d’une « vieille France » à l’égard des enfants de l’immigration. Ici, c’est la France elle-même qui est au bord de la dissolution : les parents ont accepté leurs gendres, mais ces derniers veulent quitter le pays, pour rejoindre l’Algérie, la Chine, l’Inde et Israël.
Le film n’en reprend pas moins la recette du précédent, qui ambitionne moins de mettre à bas les préjugés que d’admettre une drôle d’équation : puisque tout le monde est raciste, alors personne ne l’est vraiment. Dès lors, il ne peut y avoir de transformation mais seulement une transaction (c’est un mariage, entre deux femmes, qui réunira la famille), l’essentiel étant, au fond, de mettre les conflits de côté. Cette logique prend ici une autre dimension : pour convaincre leurs gendres de rester en France le couple Verneuil leur fait croire qu’ils peuvent trouver dans leur région ce qu’ils escomptaient trouver ailleurs, soit pour le Chinois, la sécurité (celle des bonnes banques françaises par rapport à la finance chinoise), pour le Juif, une opportunité d’acheter une usine à peu de frais et d’en tirer profit, pour l’Arabe, l’illusion de l’intégration. Le film se révèle plus nauséabond au détour d’une scène où, à l’évocation du nom du président Macron, l’un des personnages rétorque que ce ne sont pas les gouvernements qu’il faudrait changer, mais bien le peuple (ce peuple de gaulois réfractaires vivant dans un pays où il y a « trop de ronds-points » !).
Un double-discours
L’ambivalence du film tient à son double-discours : d’une part, il entend prôner l’idée, formulée par l’écrivain Sylvain Tesson, que « la France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer », tournant en ridicule tous les débats (car tous y passent : me-too, la burqa, l’appropriation culturelle…) qui la divisent pour prôner la réconciliation. Si les gendres décident de finalement rester, c’est que, tout en ayant conscience d’avoir été piégés, ils estiment que ce piège atteste de l’amour des parents pour leurs enfants. Le dernier plan du film voit se succéder l’image du père de famille portant un képi ayant appartenu au général de Gaulle (cadeau de ses gendres) – peut-on faire symbole plus gros – et l’image de la famille unie. D’autre part, il y a bien en filigrane un autre discours : en bons catholiques, les Verneuil ne peuvent refuser d’accueillir un migrant à la demande d’un curé, migrant qui d’ailleurs sera très utile pour s’occuper du jardin (le motif est repris du précédent film de Philippe de Chauveron, À bras ouverts). Ce dernier finira par exprimer son désir de retourner dans le pays qu’il a dû quitter, victime d’un lumbago occasionné par les tâches physiquement exigeantes attribuées et surtout le coup de pelle que lui donne dans une scène Monsieur Verneuil (convaincu que la ceinture de contention de son hôte était une ceinture d’explosifs). Ainsi le film a ceci de tout à fait étonnant qu’il met en scène cette violence (il semble même, au détour d’une phrase, prendre conscience de la relégation au second plan des personnages féminins) tout en la recouvrant pour mieux servir un autre propos.
Il faut enfin dire que, en multipliant les saillies réactionnaires supposées rire de leur propre bêtise (un gag parmi d’autres : un personnage confond une cliente avec une autre parce qu’il ne la reconnaît pas sous sa burqa), le film tient davantage du rictus. Rejouant jusqu’à l’écœurement la scène du « mais Salomon, vous êtes juif ? » de Rabbi Jacob, il ne formule jamais de véritable proposition comique, au-delà de ses punchlines assommantes.