On ne soulignera jamais trop les perversions de la perfection : après de nombreux autres films victimes de la même erreur, Renaissance déchoit, et déçoit, pour cause de perfection graphique. Pourtant prometteur et potentiellement audacieux, le film de Christian Volckman oublie trop souvent que la beauté est fade, si elle est vide de sens.
Paris, 2054. La ville est devenue une mégalopole cybernétisée dominée par la mégacorporation Avalon. Employée prometteuse du secteur génétique, Ilona Tasuiev disparaît un soir, à la sortie d’une boîte de nuit. La corporation met dès lors tout en œuvre pour retrouver la jeune femme. L’inspecteur Barthélémy Karas va devoir découvrir la vérité dans ce que lui révèlent la sœur de la victime, la sulfureuse Bislane, le mentor de la jeune scientifique et Paul Dellenbach, le tout-puissant patron d’Avalon.
Renaissance est un film cyber-punk à la sauce tricolore. Au vu des traditionnels ratages prétentieux de la France dans le « film de genre » fantastique, on pouvait craindre le pire (Gothika, Saint-Ange, Le Petit Poucet, pour ne citer que quelques exemples…). Fort heureusement, Christian Volckman tire son épingle du jeu. Réalisé en motion capture, le film dépasse Sin City du point de vue du graphisme stylisé, et constitue dans sa forme une première dans le domaine du cinéma d’animation. S’il adopte les mêmes techniques que Final Fantasy : The Spirit Within, il refuse la tentation – la prétention ? – du photoréalisme, préférant une esthétique de bande dessinée noire et blanche courageuse… mais trop froide. Le scénario feuillette son bréviaire du film noir d’anticipation avec application : Ghost in the Shell, Blade Runner, Philip K. Dick, Brazil, Akira, James Ellroy…: rien n’est oublié. À tel point que le film peut ressembler à un catalogue de références parfois stériles, et que le scénario acquiert un côté tristement prévisible pour qui maîtrise ces références.
Renaissance est pour Christian Volckman une aventure extraordinaire. Complétée par Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte au scénario, Marc Miance à la motion capture et Aton Soumache à la production, son équipe s’est formée après le triomphe critique du court métrage Maaz à Imagina 98. Disposer d’autant de moyens à ce stade d’une carrière de réalisateur est une chance rare, une chance méritée par l’équipe. Pleinement conscients de ce que nécessitent les ambitions du scénario, les membres de l’équipe ont travaillé avec acharnement, sept ans durant, à parfaire Renaissance à tous les niveaux de sa création. Et il faut être honnête : il ne manque presque rien au film. Presque rien, sinon… un brin de personnalité, et la concrétisation réelle de ces très bonnes intentions. Le sentiment que l’audace potentielle du scénario a fait place à une histoire convenue et mille fois vue gâche le plaisir, et ce malgré un final pourtant original, en ces temps de sentiments et de morale policés. La liberté dans la forme aurait-elle été achetée au prix d’un scénario conventionnel et propre à rassurer le spectateur ?
Comme Sin City ou Immortel : Ad Vitam, Renaissance s’impose surtout comme une remarquable performance technique, mais dont l’âme est absente. Et comme pour Sin City, il convient cependant de souligner l’impressionnante intégrité qui a poussé l’équipe du film à conserver le noir et blanc, une forme pourtant passablement rédhibitoire pour le grand public. Ce choix du noir et blanc est d’autant plus signifiant que le monde dépeint par Renaissance, et vu par son personnage principal, est lui aussi soumis à cette dualité : le bien – la loi et l’ordre – s’oppose au mal – le chaos et l’inconnu. Que penser, alors, de ces moments où les personnages tout de blanc dessinés s’enfoncent dans la nuit, ou dans une eau sombre…? Le film omet hélas de s’exprimer plus avant dans le sens de l’image pleinement signifiante. Prisonnier d’un rythme soutenu, et manifestement effrayé par les exigences qu’aurait amenées une véritable mise en scène – et non cette froide mise en images –, le réalisateur semble avoir oublié que c’est dans les silences et les moments de calme que Blade Runner ou Ghost in the Shell ont transcendé et révolutionné la science-fiction et le cyber-punk.
Point de révolution, donc, mais malgré tout un film tellement prometteur qu’il ne reste plus qu’à attendre, impatiemment, un prochain film qui saura s’exprimer plus librement et assumer ses ambitions.