Enfin, les revoilà ! Les deux acteurs mexicains qui avaient fait le charme d’Y Tu Mamá También, Diego Luna et Gael García Bernal, se retrouvent après dix ans d’absence dans un délicieux film de famille, drôle et facile à digérer.
Rudo y Cursi est une affaire de famille. Gael García Bernal et Diego Luna, amis de longues dates, tournent pour la première fois ensemble dans Y Tu Mamá También, réalisé par Alfonso Cuarón, écrit par son frère, Carlos. La violence sensuelle de ce road-movie mexicain séduit puisqu’il reçoit le Lion d’argent au festival de Venise en 2002. Dès lors, la carrière de chacun démarre sous les chapeaux de roue. Bernal tourne avec Alejandro González Iñárritu, Walter Salles, Pedro Almodóvar. Les deux frères continuent leur route, autant dans la réalisation qu’au scénario, tandis que Diego Luna, plus discret, apparaît dans des grandes productions. Ce film marque le retour de ce quatuor à l’écran après dix ans de séparation. Pour Rudo y Cursi, Alfonso Cuarón, Guillermo del Toro et Alejandro González Iñárritu s’associent pour créer une boite de production, Cha Cha Cha, et confient la réalisation à Carlos Cuarón. Bien que les rôles soient inversés par rapport à Y Tu Mamá También, un élément les rassemble : le Mexique. Ces artistes sont devenus l’emblème d’un cinéma dont la côte ne cesse de grimper : à l’affiche partout et sans cesse acclamé. Il ne faut pourtant pas voir ce film comme une suite à Y Tu Mamá También : il n’en possède ni la sensualité ni la fraicheur. Non, Rudo y Cursi se présente, ni plus ni moins, comme une charmante fable balzacienne : la méthode Rastignac appliquée au Mexique.
Les deux acteurs principaux jouent ici deux frères complices au travail et rivaux en famille. Dans les champs de bananes, ils fanfaronnent ensemble ; de retour à la maison, les deux se battent pour conquérir et siéger dans le cœur de leur mère, divorcée, remariée (et ainsi de suite) pour enfin s’acoquiner avec un vil goujat. Un jour, Batuta (l’excellent et réputé Guillermo Francella aperçu dans le film oscarisé Dans ses yeux), sélectionneur roublard, se perd dans les verts pâturages mexicains avec sa belle blonde. Les deux frères le dépannent et l’invitent à les regarder jouer au football. Il n’y a pas un seul cliché oublié dans ce dénicheur de talent prêt à vendre son âme pour remporter la mise. Lorsqu’il remarque le jeu fougueux de Tato (Bernal), il lui propose de l’emmener à Mexico, « ville monstre et pleine de charmes » pendant que Beto (Luna), père de famille, reste seul travailler dans une plantation de bananes. Pas de chance, c’est lui le passionné du ballon rond alors que Tato souhaite devenir chanteur (un piètre chanteur !). Les jalousies commencent et se terminent donc sur un terrain de football.
Il y a dans Rudo y Cursi une atmosphère bon enfant entre les acteurs semblable à celle qui émanaient de Jules et Jim. Tout y est enfantin, drôle, léger. Si ces deux frères semblent si crédibles, c’est grâce à la complicité qui les unit dans la vie comme à l’écran. Les deux dirigent ensemble une société de production avec laquelle ils réalisent leurs premiers longs métrages (Deficit, J.C. Chávez) et acceptent ce film sans même lire le scénario ! Rudo y Cursi joue sur les contrastes pour dessiner une société mexicaine à la fois comique et pathétique. Tato, père de famille, à tendance à bégayer ; Beto, surnommé « Le Doux » chante et joue de l’accordéon. Innocents et naïfs, ils croient au Mexican Dream : fortune, femmes et célébrité. Seul le football peut les amener si loin. Il y a toute une épuisante leçon de vie autour de ce sport devenu le reflet de la réussite, celle où chacun peut accéder à force de travail et surtout de manigances à la gloire. Entre blagues graveleuses, attitudes obscènes, pauvreté, prostitution et mafia, les mexicains n’ont pas fière allure ! Pourtant, le rire prévaut souvent sur les lamentations. Le rythme effréné de ce film s’appuie sur des dialogues courts, incisifs et une caméra sans cesse en mouvement, aussi agitée que le tohu-bohu cher à Mexico. Finalement, Rudo y Cursi est l’histoire d’une illusion puis d’une désillusion, le tout, avec le sourire.