Six ans ans après la sortie de son premier long-métrage Let My People Go ! et un court-métrage dispensable pour les Opéras de Paris co-écrit avec Vincent Dedienne, Mikael Buch revient avec une proposition de film qui rompt drastiquement avec ses premières amours. Loin de la profusion esthétique qui nourrissait son précédent effort (saturation de couleurs, références à l’Âge d’Or hollywoodien dès la scène d’ouverture, composition hallucinée de Nicolas Maury), le jeune réalisateur a fait le choix de revenir à un dispositif beaucoup plus dépouillé : armé d’une caméra légère et tournant dans des décors naturels, il fait ici le pari d’un naturalisme discret qui colle au plus près de ses personnages. En l’occurrence, il s’agit principalement de deux individus que rien ne prédispose à se rencontrer : d’un côté, Simon, trentenaire fraîchement sorti d’hôpital psychiatrique et effrayé à l’idée de devenir prochainement père ; de l’autre, Théodore, adolescent mal dégrossi en conflit permanent avec sa mère qui l’a depuis toujours élevé seule. Parce qu’il est venu chercher auprès de la petite amie de Simon (une femme-rabbin) de quoi se connecter avec ses racines supposées (son géniteur serait juif), Théodore fait la connaissance fortuite de son futur compagnon d’infortune lors d’une bar-mitzvah au cours de laquelle il pète littéralement les plombs. Lancé à sa recherche dans les rues de la capitale, Simon va progressivement réussir à surmonter son manque de sociabilité pour construire un lien avec l’adolescent mal dans sa peau.
Communication défaillante
Le récit s’organise autour d’une galerie de personnages essentiellement caractérisés par leur incapacité à communiquer les uns avec les autres : Simon n’arrive pas à convaincre sa compagne de son amour quand celle-ci n’arrive pas à lui formuler les angoisses que représente la naissance à venir de leur enfant. Théodore ne parvient pas à exprimer son besoin d’amour et de reconnaissance : pour cela, il ne trouve rien de mieux à faire que d’agresser physiquement son père et de se disputer constamment avec sa mère. Le collègue de cette dernière se met en quatre pour la séduire quand celle-ci, trop préoccupée par ses soucis quotidiens, ne voit pas le manège qui se trame sous son nez. On l’aura vite compris : la trajectoire du film, trop lisible dans son déroulé, et sa manière de poser les enjeux viseront essentiellement à corriger ces défaillances en provoquant des rapprochements susceptibles de faire bouger les lignes. Ce qui semble intéresser le réalisateur, plus que le déploiement d’une tension dramatique qui est ici cousue de fil blanc, c’est de nous rendre les témoins directs du relâchement progressif de ces personnages dans leur quête personnelle. D’abord empêtré dans des certitudes qui font écran avec l’autre, chacun va devoir apprendre à l’accompagner dans l’acceptation d’une situation difficile et ce, en faisant preuve d’empathie. Volontairement généreux dans le regard qu’il pose sur chacun, Mikael Buch fait donc le pari d’une certaine douceur pour enrober son propos.
Manque de force
Malheureusement, la relative générosité et la bienveillance qui caractérisent Simon et Théodore sont insuffisantes pour lui donner l’ampleur attendue : timide, la mise en scène se limite souvent à accompagner les personnages dans leurs péripéties tandis que les enjeux que pose un scénario excessivement écrit (un adolescent en quête de père, l’incommunicabilité mère-fils, l’angoisse d’un homme autour de sa propre masculinité) sont traités sous un angle trop rebattu pour ne pas limiter les personnages à une somme de caractéristiques signifiantes. Par exemple, les troubles psychologiques dont Simon souffre résonnent comme un prétexte scénaristique alors qu’elle devrait exprimer une réelle volonté de singulariser le personnage. Le réalisateur précise dans le dossier de presse qu’il ne souhaitait pas en faire un cas d’étude psychiatrique : seulement, en refusant d’inscrire cette particularité dans le parcours de son personnage (dont on ne connaîtra finalement pas grand-chose si ce n’est l’enjeu présent qui se pose à lui), on a la regrettable impression que sa maladie ne visait qu’à insuffler artificiellement un peu de dérèglement dans un récit balisé. Mais surtout, en refusant d’identifier l’origine du mal-être de Simon alors que celui de Théodore est à l’inverse trop lisible, le film vise à résoudre son problème d’un coup de baguette magique un peu trop pratique. Si on peut entendre que le parti-pris puisse être celui de la fable (après tout, pourquoi ne pas croire aux miracles ?), le réalisme qui caractérise le film dans son ensemble vient amoindrir la portée de cette proposition.