Une famille fortunée passe ses vacances dans un palace à Acapulco. Soleil de plomb et piscine à débordement, yacht et vue sur mer sans entrave, restaurants et cocktails à gogo, farniente ad libitum : la bourgeoisie se paie le luxe de s’ennuyer. Angoissante, la carte postale d’un bonheur partagé ne fait pas vraiment rêver et un appel téléphonique de mauvaise augure finira d’en écorner les bords. Tandis que femme et enfants précipitent la fin de leur séjour en sautant dans le premier avion en direction de Londres, Neil Bennett (Tim Roth) prétexte sans raison apparente la perte de son passeport afin de prolonger le sien dans un quartier populaire. Entre deux bières et des siestes sur la plage, il y fera la rencontre de Berenice (Iazua Larios), une charmante autochtone. Après tout, pourquoi les riches n’auraient-ils pas aussi les moyens d’être égoïstes, de fuir leur condition de nantis et de tremper leur dépression dans le grand bain salvateur du prolétariat ?
Si Sundown suscite une interrogation, celle-ci concerne toutefois moins les raisons et buts poussant le lymphatique Neil, manifestement détaché de toutes prérogatives morales et financières, à abandonner subitement sa famille, que la propension au secret de Michel Franco. Dans Sundown, tout le monde cache quelque chose, à commencer par le cinéaste lui-même. On reconnaît-là la méthode caractéristique du Mexicain : optant pour la rétention d’informations, il découpe rigoureusement le récit en morceaux tout en prenant soin de l’évider, de sorte à entretenir des zones de flou. Chaque scène participe ainsi d’une ambiguïté fondamentale plutôt qu’elle ne tend un arc dramatique. À l’image du personnage principal, tout le film paraît avancer sans but, soumis à un régime redondant d’indécision, de lascivité et de sourde tension. Rien ne se passe, sinon quelques coups de sang savamment distillés et des révélations distribuées au compte-goutte accusant les limites de ce cinéma moins énigmatique que malhonnête. Cela au moins pour deux raisons : d’abord à cause de la facticité du procédé qui génère du mystère sur le dos des personnages ; ensuite du fait d’un parti pris de non-dit et d’une sécheresse auxquels le film ne peut se tenir jusqu’au bout, trop soucieux finalement de colmater les brèches et d’apporter les réponses qu’il aura passé son temps à esquiver. Dans la première scène de Sundown, volontiers métaphorique, Franco filme un poisson parmi d’autres sur un étal, s’agitant en vain et cherchant son dernier souffle. Force est de constater que ce poisson, il se contentera ensuite essentiellement de le noyer.