Primé il y a quelques années en sélection «Un certain regard» pour Después de Lucía, Michel Franco fait avec Chronic son entrée en compétition officielle. Avec ce premier film en langue anglaise, le réalisateur mexicain n’a pas perdu son goût pour un cinéma exclusivement consacré au supplice physique et moral de ses personnages (accessoirement de son public), qui fait son marché au grand magasin de la souffrance humaine et accumule harcèlements, deuils, euthanasies et cancers du colon à qui mieux mieux. Ce coup-ci, on fait la rencontre de David (Tim Roth), auxiliaire de vie spécialisé dans les soins palliatifs. Comme son nom l’indique, Chronic est moins écrit que consigné : il s’agit d’égrener froidement la fin de vie d’une poignée de patients, qui crèvent sous l’œil prévenant et apathique de Tim Roth, le temps de nouer un semblant de relation.
Bien que Franco tire à feux nourris pour faire vivre à son spectateur l’expérience la plus extrême de l’apitoiement au cinéma, c’est surtout une expérience d’agacement qui prédomine chez nous, devant cet objet typiquement cannois, qui accumule sans honte tous les gimmicks du cinéma radical festivalier option Michael Haneke : plan-séquence, drame en rétention, spectacle morbide de la dégradation physique des êtres. À quoi bon ? C’est bien la question. On peine à savoir où l’auteur veut nous amener : certainement pas le long d’un chemin, mais plutôt, et très bêtement, à l’intérieur d’un territoire, celui du cinéma de l’humiliation perverse et du radical chic, où Michel Franco – pour citer notre ancien rédacteur Louis Blanchot, en sortie de projo – aime se rendre comme certaines personnes aiment se rendre au Portugal ou en Espagne, sans trop s’expliquer pourquoi, parce qu’elles aiment le climat, baragouinent la langue. On reviendra donc à ce cinéma si d’aventure il devient un peu moins touristique.