Dès son ouverture, The Cloud in Her Room dévoile un dispositif en deux temps, où s’opposent matériau documentaire et fiction autobiographique. En gros plan, une femme raconte un épisode mystérieux de son passé, avant que le récit ne démarre, avec le retour de Muzi, jeune expatriée revenue chez ses parents. Si le témoignage, filmé à l’Iphone, est bien celui d’une proche de Xinyuan Zheng Lu (qui signe ici son premier long-métrage), l’héroïne est également un double fictionnel de la réalisatrice, venue filmer son Yunnan natal après des études de cinéma expérimental. Ce retour aux origines accouche d’un film hétérogène sans réelle structure narrative, où le souvenir de scènes de liesse s’intercalent entre des segments plus stylisés mettant en scène l’isolement de Muzi et ses amours avortées. Privilégiant les longs plans fixes et surcomposés, la réalisatrice tend à figer l’écoulement du temps dans une série de vignettes immobiles et indépendantes. C’est là une façon de figurer l’état transitoire de son personnage, coupé de son passé (les échanges avec sa famille recomposée sont laconiques) et incapable de se projeter dans l’avenir. Une scène pourrait métaphoriser l’horizon d’écriture du film, lorsque la caméra s’attarde longuement sur quelques nageurs dans une piscine, recroquevillés sur eux-même et flottant comme des fœtus dans le liquide amniotique.
Dénué de véritable enjeu dramaturgique, chaque plan constitue une bulle en apesanteur, par exemple lorsque Fei se retrouve seule à errer d’une pièce à l’autre de son appartement. Il y a là une manière quelque peu affectée de jouer la carte de la dilatation temporelle : les scènes étirées en longueur consistent le plus souvent à isoler des personnages peu bavards de part et d’autre du plan, sans autre souci de mise en scène. En découle le sentiment d’avoir avant tout affaire à une bande d’adolescents poseurs, davantage concernés par leurs atermoiements sentimentaux que par le monde qui les entoure. Symptomatiquement, la scène finale superpose la destruction d’un immeuble à un chant d’amour mélancolique : plus qu’une évocation des transformations urbanistiques et sociales de la Chine, Zheng Lu s’en tient à une analogie entre l’effondrement du bâtiment et l’expression des tourments sentimentaux d’une jeunesse dorée.