Depuis que le projet faisait le tour des studios hollywoodiens, il fallait bien que cela tombe : voici donc le remake made in USA du Dîner de cons de Francis Veber. Idée saugrenue qui peine à masquer la récupération mercantile d’une comédie à succès, et qui donne sous la caméra de Jay Roach (Austin Powers, Mon beau-père et moi…) un divertissement qui vire souvent au grotesque facile et à la farce indigeste.
On connait bien le fondement de base qui régit les comédies de Francis Veber : un couple de personnages antinomiques qui vont devoir cohabiter de force le temps d’une histoire, pour le meilleur et pour le pire. Ce postulat sied également très bien à la comédie régressive à l’américaine (et semble se propager, voir l’article consacré à Date limite), où le principe déclencheur du rire est basé en grande partie sur la surenchère. Le trait s’en trouve donc renforcé : Paul Rudd (Tim) fait plus gendre idéal que Thierry Lhermitte, Steve Carell (Barry) fait preuve d’une bêtise et d’un infantilisme abyssaux, et les situations sont poussées au niveau maximum de démonstration de bouffonnerie. Le récit n’est plus circonscrit à une seule unité de lieu et de temps, et gagne en ampleur par le biais d’un enjeu primaire : ramener le meilleur idiot au diner pour bénéficier d’une promotion dans l’entreprise. The Dinner vogue ainsi d’une séquence à une autre comme autant de sketches refermés sur eux-mêmes, ce qui lui permet de déplier tout un éventail de personnages tous plus dingues que les autres.
Que gagne donc ce remake à vouloir en faire plus que l’original ? Il y gagne en longueur et en répétitions ce qu’il y perd en bons mots. Le transfert d’une petite comédie française au pays de l’oncle Sam donne lieu à un déploiement d’artillerie lourde, reposant sur un Steve Carell en roue libre, cabotin, qui roule des yeux et sort les dents en permanence pour signifier la bêtise de son personnage. Difficile d’y rester insensible, car l’ensemble devient fatigant à la longue (quelques rires nerveux sont à prévoir). Chaque séquence déroule le même manuel, à savoir : comment Barry va-t-il réussir à tout faire foirer et pourrir (bien involontairement) la vie de Tim ? Veber avait au moins le mérite de faire confiance à la qualité de ses joutes verbales, alors que Roach travestit les situations par des changements successifs de lieu, des déchainements de cocasseries (un artiste contemporain totalement perché, une maîtresse sado-maso, un inspecteur des impôts hypnotiseur…) comme pour redonner du sang frais à un film qui n’en a pas. Étouffé par les singeries de Steve Carell et la loufoquerie démente des personnages secondaires, le récit cahote jusqu’à la fameuse scène du diner, sommet de surenchère comique abrutissante. The Dinner n’est un remake que dans la mesure où il enrobe le scénario original de Veber d’une grosse couche d’artifices comiques, de rajouts intempestifs et de transposition de clichés français en stéréotypes de la culture américaine. C’est un bien piètre effort qui ne suscite qu’une récompense très limitée, quel que soit le type de public auquel s’adresse cette gentille pantalonnade.