Depuis 2005 et son Moi, toi et tous les autres, Miranda July a pris le temps de se ressourcer auprès de ses diverses activités artistiques, installations et tutti quanti. De quoi irriguer son petit pré carré cinématographique, où se bousculent références burlesques, pastilles absurdes et postures très arty. On ne sait alors qui blâmer, entre une cinéaste se parodiant jusqu’au ridicule assumé et un petit cercle indépendant pendant faussement alternatif, capable d’engendrer de petits monstres d’ennui.
Moi, toi et tous les autres avait cette particularité d’intriguer le curieux : sa cohorte de décalages un peu détraqués amusait et irritait dans le même mouvement. Le tout était tenu par un fil narratif qui ne relevait pas tout à fait de l’emplâtre, soulignant par l’humour quelques traits des atermoiements de la solitude pavillonnaire. L’agacement ne prenait pas forcément le pas sur les bribes de réel intérêt. À charge, donc, pour le film suivant de gommer les oripeaux inutiles. Dommage, The Future ne fait que confirmer le péché pas très mignon, se payant même le luxe d’asservir le récit à son mode illustratif bêtement naïf. De l’histoire, on fait vite le tour : un couple de trentenaires hipsters tente de relancer leur idylle décrépite en adoptant un chat malade. Entre temps, la demoiselle va se rassurer chez un vieux à gourmettes, ce qui laisse son compagnon – devenu ex – fort marri. Un récit lacunaire n’est pas un problème en soi, centrer un film sur l’affect ou les ressentis diffus au détriment de la linéarité narrative est même souvent un gage d’expérience nouvelle et excitante pour le spectateur. Il faut cependant être rigoureux : le lacunaire narratif ne tolère ni la fainéantise ni la pose. Miranda July se vautre à ventre découvert sur ces deux écueils.
Fainéant, The Future ne propose qu’une vision complaisante d’un entre-soi réconfortant pour l’artiste mais que le public peine à partager. Les quelques situations sont étirées jusqu’à satiété bourrative , dénotant un manque d’idées assez criant. Rédhibitoire. Quand la posture d’une pseudo-artiste, trop sérieuse pour être honnête, vient de surcroît nimber le film de considérations philosophiques pour les nuls, on dit « stop », « halte-là !», « rendez-vous !». La métaphore filée du chat blessé, malgré sa redondance factice, est pourtant une bonne idée. Les deux post-amoureux ont décidé de recueillir un vieux chat à la patte cassée pour lequel on ne prédit que quelques mois de survie. Devant cicatriser ses plaies, il doit rester chez le vétérinaire durant le long mois du récit entier. Par va-et-vient, le film va prendre des nouvelles de l’animal, doté d’une voix intérieure nasillarde (qu’on devine celle de July) et d’un spleen hénaurme.
On se prend alors d’affection pour cette drôle de bête dont on ne voit que les pattes ébouriffées et emplâtrées, tout cela étant, bien sûr, très pathétique. Sorte d’électrocardiogramme de l’état du couple, le chat va finir par être l’outil de Miranda July pour attirer l’attention, et susciter l’adhésion, du spectateur. Rejeté en périphérie par les tours de passe-passe égotistes des personnages humains, on se réfugie dans la figure du chat, bien plus accueillante. Il est assez triste que ce petit gadget illustratif soit finalement le seul point d’ancrage du film, le seul petit espace d’aspérités où la main ne fuit pas, auquel on peut se raccrocher comme à une branche salvatrice. C’est relatif bien sûr : on se contente de peu quand la famine est aux portes du récit. Et comme toute éclaircie précède une averse acide, le gadget du chat se révèle être sujet au pire des chantages émotionnels (on vous laisse imaginer la pirouette pas bien fine) et se pose ainsi comme révélateur de l’inanité du projet global : froid, factice et roublard.