Auréolé d’une Caméra d’or et du prix de la Semaine de la Critique au dernier festival de Cannes, ainsi que du International Filmmaker’s Award de Sundance, le premier film de Miranda July semblait apparaître sur nos écrans sous les meilleurs auspices. Malheureusement, la facilité et la complaisance de Moi, toi et tous les autres déçoivent les espoirs que de tels prix laissaient augurer. Entre ennui et agacement, notre cœur balance.
S’il fallait reconnaître une vertu à Miranda July, ce serait celle de ne pas être tombée dans le travers qui fut celui de Zach Braff, scénariste, réalisateur et interprète principal du récent Garden State, à savoir un narcissisme permanent le faisant apparaître dans toutes les scènes ou presque. Si elle se met elle-même en scène, Miranda July n’en laisse pas moins la place à d’autres personnages, représentants de toutes les générations : les enfants et les ados du voisinage, des trentenaires et quadragénaires, et enfin les personnes âgées qu’elle côtoie dans ses activités de conductrice de taxi pour le troisième âge.
Mais la liste des qualités s’arrête à peu près là. Car Moi, toi et tous les autres est un film sans grande personnalité, où tous les éléments sont un peu bancals. Les personnages, d’abord, ne sont pas forcément très sympathiques, de l’ado neurasthénique et amorphe, aux jeunes pimbêches délurées, en passant par le père qui rêve d’une autre vie et qui a du mal à communiquer avec ses fils et la petite fille qui constitue déjà son trousseau ménager en vue de son futur mariage, tous ces personnages se voudraient originaux, mais ne dégagent ni humanité ni sensibilité, ou du moins cela ne passe pas à l’écran, et on a beaucoup de mal à s’intéresser à eux. Nous suivons leurs pseudo-aventures, passant d’un personnage à un autre sans que leur histoire n’avance beaucoup. Les situations observent le même schéma : une volonté ostensible d’originalité, avec une dose d’humour, une dose de poésie, une dose de grivoiserie, tout cela emballé dans des couleurs pop et une ville américaine bien tranquille. Mais le mélange ne prend pas vraiment.
Pour le spectateur, ni franc éclat de rire, ni grand bouleversement émotionnel à l’horizon, juste un entre-deux qui pourrait paraître plaisant, mais se révèle rapidement ennuyeux. Il manque à Moi, toi et tous les autres une direction précise, et surtout un ton plus affirmé. « N’est pas Todd Solondz qui veut » pourrait être la leçon à retenir de ce film. Car on ne s’improvise pas jeune réalisateur indépendant simplement parce qu’on a quelques belles images dans la tête et que l’on remplit son film d’ingrédients divers, entre légèreté et fausse réflexion sur la vie. Car le sujet du film, la solitude des êtres et la difficulté de rencontrer l’autre et de communiquer est banal et traité ici d’une manière peu subtile : cela passe par la directrice d’un centre d’art inaccessible, des discussions sur internet, ou encore un homme qui colle des pancartes à sa fenêtre plutôt que de parler. En définitive, la volonté de plaire et la loufoquerie de pacotille qui soufflent sur le film nous font bien regretter l’âpreté et le politiquement incorrect du véritable cinéma américain indépendant. Contrairement à nos attentes, ce ne sera pas pour cette fois.