De prime abord, The Gentlemen renoue avec les « comédies de gangsters » qui ont fait la renommée toute relative de Guy Ritchie, notamment Arnaques, crimes et botanique, puis Snatch. On y retrouve les mêmes traces d’un « style », de « l’efficacité » dont se réclame le montage – qui tend par moments ouvertement vers le clip dans sa manière de tout vouloir « bien rythmer » –, à cette galerie de bandits bigarrés regroupant « rois de la jungle » (ici, Matthew McConaughey), arnaqueurs du dimanche (le photographe campé par Hugh Grant), et petites frappes prolos (le gang chapeauté par Colin Farrell). Oui mais voilà, ce retour supposé de Ritchie à son genre de prédilection remonte peut-être de quelques petites années supplémentaires dans l’histoire du cinéma. Ce n’est pas un hasard si le film s’ouvre (avec son générique) et se referme (de manière cette fois intra-diégétique) sur le logo de Miramax, le studio indépendant américain phare des années 1990, à qui l’on doit notamment la révélation de Quentin Tarantino. Plus encore que ses films, Ritchie réinvestit ses premières influences : une patine de comédie post-moderne et citationnelle où la narration se voit malaxée, réagencée, mise en abyme, pour jouir de la distance propre aux récits métafictionnels.
The Gentlemen se présente ainsi essentiellement comme un récit dans le récit, filant lourdement la métaphore (le photographe raconte sa pétillante histoire, dont il tirera d’ailleurs un scénario, comme s’il s’agissait d’un film, un vrai, avec de la pellicule), où les retournements de situations et les manipulations de chacun visent à redistribuer en permanence le pouvoir de la fiction. Qui contrôle qui et comment ? Telle est la question qui alimente le versant comique du film et régit l’enchevêtrement des vignettes. Le récit dans le récit se voit d’ailleurs lui-même doublé par une phrase glissée à ses deux extrémités, confirmant bien l’identité de celui qui reste le monarque du scénario. Le film que Ritchie tire de ce canevas est bien entendu parfaitement vain, mais il faut reconnaître que son dispositif réflexif sert aussi d’écrin aux acteurs – acteurs que l’on voit, littéralement, jouer. C’est la définition du cabotinage, terme souvent convoqué péjorativement, pour disqualifier toute performance qui dépasse, s’amuse, s’amuse d’amuser, mais participe aussi d’une circulation du plaisir de jouer dont il serait un brin malhonnête de nier qu’elle réussit, ici et là, à faire mouche. On a beau voir les fils, The Gentlemen reste un film qui aime les acteurs (son titre recouvre, là aussi, une dimension « méta »), une raison suffisante pour ne pas tout à fait accabler la ringardise dont il fait preuve.