Ce premier film se noie dans des tergiversations de montage, embrumé qu’il est dans une narration pénible et équivoque. Par ailleurs, Francois Rotger a beaucoup de mal à se détacher de son regard contemplatif de photographe (il exerce au New York Magazine) et use à l’excès d’images pleines de préciosité et de coquetterie. Le film se révèle poseur et artificiel, effleurant des personnages et des situations.
The Passenger, premier long métrage trop ambitieux, est tiraillé entre du Lynch férocement elliptique et du Kitano tendance mélo. François Rotger pèche par vanité en déroulant péniblement un récit non pas linéaire mais ramifié, délibérément fragmentaire et énigmatique. Mais à moins d’être un Moretti aigre-doux, weyergansien dans l’auto-dérision et presque janséniste dans l’utilisation (rigoureuse) du style «à sauts et à gambades», difficile de coudre ensemble mille et une trames (surtout dans un premier long métrage). The Passenger, c’est donc à la fois l’histoire d’un type paumé, d’un amour impossible, de yakuzas revanchards…, récits dont on peine à comprendre les enjeux, la faute à l’ellipse «arty». Cette purée de pois scénaristique est appuyée par un montage accablant de fondus et de cuts régressifs. En exacerbant cette pénible impression de flou artistique entre flash-backs et projections, le montage alourdit ce que Rotger voulait probablement préserver de l’enfermement narratif: les tropismes, le mal-être, la peur… L’implosion du récit et les digressions du montage créent une unité sans rythme, un long métrage laborieux et sec.
En misant sur l’outrageuse polyphonie narrative, Rotger a cherché à faire signifier les images à l’excès. D’où ses plans très appliqués aux cadres et aux lumières patiemment élaborés. Mais il y a quelque chose de dérangeant dans cette esthétisation à outrance, un je-ne-sais-trop-quoi de réflexif: Rotger se regarde tourner son premier long métrage. Qu’il veille dans son prochain film au plaisir du spectateur…