Le crime, paraît-il, ne paie pas. Malgré tout, nombreux sont ceux, faisait fi de la sagesse populaire, qui s’y essayent, et réussissent – à l’écran comme dans la réalité. The Square se pose en énième variation sur le thème, avec au bout du compte une réussite en demi-teinte, probablement due à la volonté de vouloir trop bien faire des frères Edgerton, à la réalisation et au scénario.
Raymond Yale, un fringuant chef de chantier quinquagénaire, aime Carla Smith, une ravissante jeune voisine. Cela se complique un peu lorsqu’on sait que Raymond et Carla sont mariés, l’un à une femme tournant légèrement à l’acariâtre, l’autre avec un mécanicien avec une tendance criminelle à la coupe mulet. Lorsqu’elle tombe par hasard sur un sac caché par son mari, et rempli d’argent liquide, Carla se rend compte des activités réellement criminelles de son mari, et y voit l’opportunité de financer sa fuite avec Raymond. C’est simple : il suffit de voler le sac, puis de commanditer l’incendie de sa maison pour dissimuler le forfait. Mais évidemment, les choses ne se passent pas comme prévu…
Réaliser un film noir autour d’un concept tel que celui ci-dessus exposé tient presque de l’exercice de style, tant la matière a déjà été utilisée à l’envi. Cela étant, à la fois le scénario et la réalisation de The Square parviennent à surprendre l’amateur le plus blasé. Nash Edgerton, ancien cascadeur passé à la réalisation après avoir minutieusement étudié les méthodes des réalisateurs pour lesquels il a travaillé, propose donc dans ce premier film un style efficace, oscillant entre une mise en scène suresthétisée des nocturnes pluvieux et une nervosité croissante à mesure que son récit paranoïaque se déploie. Si le style ne diffère que fort peu de ce qu’on attend dans un tel film de genre, Nash Edgerton ne démérite aucunement – dans les limites humbles qu’il semble s’être lui-même posé.
Au scénario, son frère Joel Edgerton (avec Matthew Dabner) fait preuve de plus d’audace, d’inventivité que le réalisateur. Ainsi, le petit quartier où se joue le drame de The Square, ainsi que les nombreux personnages impliqués dans l’intrigue, sont présentés par petites touches, lors d’anecdotes judicieusement utilisées pour faire avancer l’intrigue d’autre part, avec une minutie qui n’est pas sans évoquer la construction des environnements urbains vénéneux de Lynch dans Twin Peaks ou Blue Velvet.
Dans un tel environnement, où la tension est sous-jacente, il choisit de placer l’affaire du sac rempli d’argent – un rouage grippé dans le quotidien middle-class bien tranquille du quartier qui eut largement suffit à légitimer l’intrigue entière. Hélas, les scénaristes choisissent de multiplier les autres – et inutiles – sources de chaos. On devine facilement l’intention scénaristiques de créer une cascade de catastrophes causées les unes par les autres, mais c’est dans cette succession assez artificielle et illégitime que le bât blesse. Et ce malgré la conclusion finale, tout à fait réjouissante dans son imprévisibilité.
Trop noir pour être honnête, The Square n’en demeure cependant pas moins un intéressant début pour un cinéaste qui sait faire preuve d’humilité – à défaut d’un réel talent, autre que celui, certain, de savoir intégrer les enseignements de ses aînés, ce qui n’est déjà pas si mal. On peut donc légitimement découvrir The Square, ne serait-ce que pour assister aux débuts d’un réalisateur qui pourrait s’avérer prometteur.