On sait la lourde tendance qu’a toujours eue Nicole Garcia, en tant que réalisatrice, à charger ses films d’une indigeste dimension psychanalytique : que ce soit au travers de femmes cherchant à s’extirper d’une étiquette sociale (Un week-end sur deux, Place Vendôme) ou de maudits fils préférés lancés dans une course effrénée vers l’émancipation familiale, les portraits ici dressés ont souvent donné le sentiment de puiser leur matière dans les magazines. Avec Un beau dimanche, Nicole Garcia retombe une fois de plus dans les travers assez symptomatiques d’une frange du cinéma français trop frileuse pour oser le risque.
Les mystères du sud-ouest
S’il y a bien un point sur lequel la réalisatrice a souvent surclassé ses concurrents, c’est dans cette croyance figée dans l’autosatisfaction pour la prétendue puissance de ses récits. Chacun de ses films s’est toujours évertué à mettre en scène des êtres prêts à saccager le système dont ils sont le produits pour obtenir un semblant de liberté. Ici, il s’agit d’un instituteur vacataire, Baptiste, qui se dérobe dès qu’il est question d’attache. Issu d’une famille richissime qu’il ne voit plus depuis plusieurs années, il va au travers de Sandra, une jeune femme surendettée et mère d’un enfant de dix ans, trouver le moyen d’exiger un dû symbolique et tourner le dos à un passé mortifère. Cousue de fil blanc, l’intrigue sentimentale entre les deux jeunes gens est donc surtout prétexte à rapprocher deux milieux sociaux que tout oppose et à régler des comptes avec une bourgeoisie se gargarisant de ses acquis.
L’argent ne fait pas le bonheur
Le volontarisme de Nicole Garcia à tirer de cette artificielle lutte des classes est trahi dès les premières scènes du film : un squat de mal-logés mis à sac par des policiers dont la signification est révélée quand, peu de temps avant la fin du film, on apprend que Baptiste a quitté le bonheur doré mais asphyxiant qui lui était offert pour devenir sans-domicile fixe. Seulement, derrière ce portrait au vitriol de cette famille d’élite, on sent rapidement poindre les contradictions – pour ne pas dire l’hypocrisie – d’un scénario qui rend Sandra totalement dépendante du bon vouloir de son prince charmant. Il est en effet bien pratique de faire tomber du ciel 50 000€ pour résoudre un conflit aux enjeux aussi inintéressants que le look qu’arborent les loubards de service. De ce rapport de classes, Nicole Garcia alimente surtout le fantasme : celui de se croire libre et rebelle en choisissant la pauvreté et la précarité, ce qui n’est jamais bien risqué lorsqu’un héritage familial assure de résoudre tous les problèmes d’un coup de baguette magique.
Dessine-moi un mouton
Chaque scène du film est à l’image de son titre : engoncée dans des formules un peu creuses qui voudraient pourtant révéler la part sombre des êtres. Pour cela, il aurait fallu que la réalisatrice ne s’en tienne pas à cette écriture poseuse (qui plombait déjà l’indigeste Selon Charlie) et qu’elle ose tenir des paris de mise en scène à la hauteur de ses prétentions. Il ne suffit pas d’expliquer que l’internement, «c’est quand on enlève la liberté à quelqu’un» pour faire sensiblement écho aux fêlures de ces personnages. Prisonniers de cet exercice littéraire, les acteurs font bien évidemment ce qu’ils peuvent : si on peut allouer à Louise Bourgoin une spontanéité qui amène un peu d’air à cette mésaventure, on est néanmoins catastrophé de voir Dominique Sanda prisonnière à ce point de ce masque de cire que Nicole Garcia lui a collé sur la figure. Ce n’est un cadeau pour personne.