Rose (Galatea Bellugi), enfant de la DASS, et son fiancé Michel (Lukas Ionesco), un artiste peintre de vingt-deux ans, s’aiment avec la naïveté attendrissante du premier amour. Fuyant la province, ils gagnent la capitale et s’engouffrent dans le Palace, haut lieu de l’underground dans les années 1980, réputé pour ses fêtes folles et les costumes flamboyants de ses occupants. Ils y rencontrent Lucille Wood (Isabelle Huppert) et Hubert Robert (Melvil Poupaud), un couple de quinquagénaires libertins et fortunés. Le quatuor, devenu inséparable, partage son temps entre l’appartement de Lucille et Hubert et leur château provincial. Se noue une relation ambigüe, tantôt amicale, tantôt charnelle. Ce deuxième film d’Eva Ionesco s’inspire de son expérience : là où My Little Princess relatait son enfance, Une jeunesse dorée retrace son adolescence à travers le portrait de Rose.
Dès la scène d’ouverture, le film souffre d’un trop-plein de symboles. Alors que les jeunes amants ne sont pas encore entrés en contact avec le Palace, Michel vient chercher Rose à la DASS en portant des ailes d’anges, ce qui le caractérise d’emblée comme son sauveur. Une fois arrivés dans la capitale, le martèlement du sens passe par l’expression constante des sentiments. Rose et Michel « s’aiment pour la vie » et se le disent. Non pas une ou deux fois, mais quinze, vingt fois à l’échelle de l’intrigue et à renforts de dialogues plus maladroits les uns que les autres (parmi quelques échantillons : « Michel, t’es à moi », « Michel, t’es mon seul ami » etc.). L’uniformité des échanges qui fait que chaque nouvelle scène ressemble à celle qui précède n’est pas sans provoquer une certaine lassitude, épuisant ainsi le potentiel dramaturgique et émotionnel des sentiments exprimés. Les maladresses d’écriture s’étendent par ailleurs au personnage de Rose, ne figurant la violence des premiers émois que par la constante prise à partie de son compagnon. Car tout est sans cesse signifié plutôt que suggéré dans un film qui dépeint autant l’époque que le sentiment amoureux.
Les personnages d’Une jeunesse dorée tiennent malheureusement plus du cliché que d’une véritable frange marginale : Hubert Robert, dandy de pacotille, ne matérialise la figure du mirliflor qu’à coups de name-dropping (citant Hemingway, Bacon et Noureev dans la même discussion – ce qui n’a pas grand sens). Michel, décrit comme un « poète maudit » par un ami queer, n’a rien d’un Baudelaire (d’autant moins qu’il est peintre et non écrivain). À cela s’ajoutent les à-côtés d’une cinéaste ne représentant la décadence que par des lieux communs. Il en va de la structure même des scènes, articulées autour d’une logique duelle d’action et d’inaction : le quatuor se déguise, se farde puis s’enivre, dansant follement dans les dédales du château (ou dans le parc) entre quelques rails de coke, avant de rêvasser à même le sol, sur des sofas ou tapis en peaux de bête. Seules les scènes nocturnes au cœur du Palace, imprégnées d’érotisme et de vivacité s’avèrent mémorables. Nimbés de lumières restituant l’énergie fiévreuse de la boite de nuit, Rose et Michel dansent sur la piste, dévoilant au rythme de la musique leurs corps menus. Ces scènes sont par ailleurs les seules qui justifient les atours carnavalesques des personnages, que ces derniers quittent rarement, comme s’ils étaient éternellement engoncés dans leurs caricatures. Cette fenêtre ouverte sur la vie du Palace se referme néanmoins aussitôt, les amants retrouvant les murs asphyxiants du château. Les vignettes illustratives se réitèrent alors jusqu’à l’épuisement de leur relation. Rose finit par se lasser du quatuor, s’affranchissant par là même de son premier amour. Michel part à New-York avec Lucille y exposer ses peintures tandis qu’elle fait son entrée en école de théâtre, symbolisant ainsi un nouveau départ.