Dans l’édition du 17 janvier 2014 du quotidien gratuit 20 minutes, Jean-Pierre Jeunet a déclaré, évoquant la cinéphilie française : « Plus c’est moche, plus c’est mal monté, mal filmé, mal joué, mal sonorisé, mal écrit, plus c’est de l’art ! Et dès que ça devient un peu léché, c’est suspect… enfin, chez une certaine presse. » On reste très légèrement pantois devant une phrase aussi lapidaire, qui fait fi de la grande diversité des esthétiques audiovisuelles et des subjectivités critiques.
Jean-Pierre Jeunet semble oublier un point : ce n’est pas tant la quête esthétique qui est parfois remise en cause par la critique que sa finalité. Qu’est-ce que l’image montre ? Quelles sont les représentations des thèmes développés ? Et quelle place se donne l’imagier, celui qui conçoit et pense l’imagerie d’un film ?
Ce que Critikat et d’autres rédactions ont pu reprocher à Jeunet n’est pas sa recherche d’une beauté personnelle, mais ce qu’elle délivre, au travers de couleurs, de choix de cadrages, de montages et de narrations entre autres, comme message, comme représentation du peuple, d’une certaine France fantasmée, d’une nostalgie gouailleuse qui se transforme parfois en cinéma criard.
La question du cinéma français, pour Jeunet, se résume à l’acceptation ou non de ses propres codes. Pour d’autres, le cinéma est plus ample et les problèmes esthétiques ou sociaux qu’il pose dépassent la forme vide ou catégorisée. Quant à la haine supposée d’un « cinéma léché », il suffit de lire les critiques à la sortie de films comme Tabou ou The Artist pour se persuader que les yeux français ne sont pas obsédés par la laideur d’un réel visiblement insupportable à notre ami.