Alors que leur dernier album Alive 2007 vient juste de sortir, le premier film des Daft Punk en tant que réalisateurs arrive dans les bacs, après une distribution pour le moins intimiste en salles.
Les Daft Punk n’en sont pas à leur coup d’essai en ce qui concerne la transposition de leur univers au cinéma. Un premier dessin animé, sorti en 2003 et intitulé Interstella 5555 : The 5tory of the 5ecret 5tar 5ystem, réalisé par Kazuhisa Takenouchi, d’après les dessins de Leiji Matsumoto, reprenait leur album Discovery dans son intégralité et sa continuité, proposant une illustration aux morceaux du disque, dont les quatre premiers furent diffusés à la télévision, à la manière d’une mini-série dont chaque épisode serait constituée d’un clip.
Electroma, la première réalisation du duo, est un projet tout autre, qui diffère d’Interstella 5555 en un point essentiel : le film ne contient en effet aucun morceau du groupe. Ce n’est donc cette fois par leur univers musical, mais bien visuel, qui est traduit à l’écran. Les deux protagonistes principaux du film sont donc deux robots, aux masques désormais célèbres, portant les non moins célèbres blousons en cuir dessinés par Hedi Slimane. Nous les voyons évoluer dans une Californie peuplée de robots comme eux, monde duquel ils vont essayer de s’extraire en se faisant greffer des visages humains en lieu et place de leur masques de robots. Mais leur bonheur ne durera que peu de temps (leur chair fond au contact du soleil, et leur métamorphose provoque l’hostilité de leur entourage), et les deux robots s’exilent dans le désert, où ils trouveront la mort, dans un suicide électronique.
Si Electroma ne contient pas la moindre composition du groupe, la musique y joue cependant un rôle essentiel. En effet, ce film (court — à peine un peu plus d’une heure), muet, laisse une grande place aussi bien aux silences qu’à une poignée de morceaux méticuleusement choisis, allant de Todd Rundgren à Curtis Mayfield, en passant par Chopin et Sébastien Tellier, le tout en restant cohérent.
Que ceux qui craignaient de ne trouver là qu’un long clip des Daft Punk se rassurent (quand bien même l’univers clipesque du groupe est sans doute un des plus brillants de notre époque, avec des petits bijoux signés par des réalisateurs tels que Michel Gondry ou Spike Jonze, tous deux d’ailleurs passés depuis au long-métrage), Electroma est un projet ambitieux, une expérience sensorielle sans précédent (il faut voir — écouter — l’infrabasse des premières minutes du film, continue et assourdissante, qui prend directement aux tripes), lorgnant plus du côté du Gerry de Gus Van Sant, pour les longues errances dans des paysages désertiques, ou du Brown Bunny de Vincent Gallo pour son utilisation du silence.
Le fait que la sortie en DVD d’Electroma coïncide avec celle du dernier album live des Daft Punk permet de bien mesurer toute la singularité du film. Si la musique du duo versaillais est accessible au plus grand nombre, en réussissant le tour de force d’être pointue et populaire à la fois, et s’est vendue par millions d’exemplaires à travers le monde, Electroma en revanche est une œuvre élitiste, arty, qui s’adresse directement aux cinéphiles, comme en témoigne la distribution bien particulière mise en place pour son exploitation en salles. En dehors des festivals, le film n’a en effet été montré qu’à Paris, dans un cinéma unique, le Panthéon, qui le projetait tous les samedis soirs à minuit, reprise directe du concept américain des midnight movies, la salle de cinéma devenant lieu de culte, réservé aux initiés.
La sortie en DVD d’Electroma va ainsi permettre au film de toucher un plus large public, lui faisant perdre au passage son statut confidentiel, mais pas pour autant celui de film-culte.
Côté suppléments, l’éditeur Wild Side a joué la carte de la sobriété (point de bonus ici, juste la bande-annonce du film), proposant le disque dans un boîtier métallique contenant un poster collector et une planche de stickers.