La Meilleure Façon de marcher a acquis depuis sa sortie en 1975 un statut de petit classique du cinéma français. Premier long-métrage de Claude Miller, pour lequel il fut nommé aux César, MK2 lui consacre aujourd’hui une édition DVD riche et cohérente.
La première chose qui saute aux yeux lorsqu’on revoit La Meilleure Façon de marcher aujourd’hui, c’est la justesse de son casting. Le film nous donne l’occasion d’apprécier le grand Patrick Dewaere, dans un rôle physique, celui de Marc, le moniteur de colonie de vacances viril et sûr de lui, et de redécouvrir un Patrick Bouchitey tout en retenue dans le rôle de Philippe, son collègue à la sensibilité exacerbée. Un Michel Blanc malingre et touchant y trouvait son véritable premier rôle important. Il faut aussi mentionner Claude Piéplu en directeur de la colonie de vacances, personnage qui contribue à donner au film sa tonalité humoristique si particulière. Au milieu de tous ces hommes, une présence féminine, la regrettée Christine Pascal.
Dans une interview réalisée spécialement pour cette édition, Miller s’explique notamment sur son choix de situer l’action du film dans le cadre des colonies de vacances. Lui-même y a passé ses étés enfant, et a toujours été rebuté par l’ambiance trop disciplinaire et virile qui y régnait. D’autre part, le climat d’innocence sexuelle liée à l’enfance servait pleinement l’histoire qu’il avait choisie de raconter.
Cette présence enfantine n’est pas sans évoquer l’univers de Truffaut, avec qui Miller, en plus d’être son ami, travailla en tant que directeur de production sur de nombreux films. Truffaut qui reconnaissait en lui un vrai cinéphile, à tel point, rapportait-t-il, « qu’on le voyait même à dix mille kilomètres de Paris cocher dans Pariscope qu’il recevait par avion les films qu’il serait allé voir s’il n’avait pas été retenu sur un tournage en extérieurs ».
Cet entretien permet également à Miller de revenir sur les ennuis de censure rencontrés par le film lors de sa sortie, puisqu’il se vit interdit aux moins de 12 ans. Il y est également question de l’amitié qui naquit à la ville entre les deux Patrick, Bouchitey et Dewaere, eux que les rôles respectifs et si antinomiques de Philippe et Marc qu’ils incarnaient à l’écran semblaient tant éloigner. Miller déclare paradoxalement se retrouver finalement autant dans l’un des personnages que dans l’autre.
Un autre supplément, intitulé La Meilleure Façon de penser, donne justement la parole aux acteurs. On y apprend notamment comment Bouchitey a donné à Miller l’envie d’embaucher Dewaere, en lui montrant des bouts d’essais du casting des Caïds, pour lequel ce dernier n’avait pas été retenu. L’idée d’embaucher Michel Blanc revient à Patrick Dewaere, qui a suggéré à Miller d’aller voir du côté du Splendid ce jeune comédien « pas très équilibré qui irait bien pour le rôle ». Le film fut selon les propres mots du comédien un « élément déclenchant énorme » pour sa carrière, en particulier grâce à son pétage de plombs, resté dans toutes les mémoires, sur les bords de la piscine.
À l’inverse, et probablement à cause d’un accident de voiture qui l’obligea à rester à l’écart durant de longs mois, Bouchitey n’a quasiment rien tourné après, jusqu’à ce que Chatilliez lui confie le rôle du prêtre allumé dans La vie est un long fleuve tranquille.
À ces interviews s’ajoute un supplément de taille : un extrait de l’émission de télé Clap, enregistrée lors du premier festival international du film d’humour de Chamrousse, en 1976, avec le critique de cinéma Robert Benayoun. A priori hors propos dans un tel cadre, la présence de l’équipe du film sur ce festival (où, soyons clairs, le film n’était évidemment pas sélectionné, tant il lorgne plus du côté du drame que de la comédie), permet cependant à Miller de préciser son intention d’utiliser malgré tout le rire comme « une espèce de shampoing qui lave l’esprit de façon à pouvoir parler de choses plus sérieuses ou plus graves ». Trente ans plus tard, si ces images prêtent à sourire, c’est pour beaucoup en raison des styles vestimentaires incroyablement vintage (et bel et bien du siècle dernier) des différents protagonistes.
L’ultime bonus de cette édition est une rareté : il s’agit du moyen-métrage Camille ou la comédie catastrophique, œuvre de jeunesse datant de 1971, qui met en scène deux militaires incarnés par Philippe Léotard et Marc Chapiteau aux prises avec une jeune fille en fleur, la magnifique Juliet Berto. Le tout est à la fois burlesque et violent, au point d’avoir rencontré des problèmes avec la censure de l’époque et s’être vu interdire aux moins de 18 ans. D’une durée de 33 minutes et 33 secondes, ce petit film brouillon dans tous les sens du terme, n’a véritablement aujourd’hui qu’un seul intérêt, en ce qu’il permet de prendre la mesure de toute la maturité dont a fait preuve Claude Miller lors de son passage au long-métrage.