En ces temps de rigueur, les budgets consacrés à la culture ne sont pas en odeur de sainteté. La situation confortable du Centre National de la Cinématographie qui a le privilège de tirer l’essentiel de son budget de taxes qui lui sont propres – prélevées sur les tickets de cinéma, les ventes de DVD, la VOD et sur les revenus de la télévision (publicité et abonnements) – n’a pas tardé à être pointée du doigt. Un récent amendement prévoit de plafonner les surplus que le CNC pourrait toucher de ces taxes affectées (en cas par exemple de fréquentation record des salles de cinéma) pour alimenter le « pot commun » du budget d’État (Le Monde du 22/10/11). Un rapport confidentiel de l’Inspection des Finances (révélé par La Tribune du 15/11/11) vise lui les subventions du Centre et le fait qu’elles pallient entièrement la prise de risque des sociétés de production qui, en conséquence, n’engagent que de manière minime leurs fonds propres. Ce n’est pas la première fois que le système de production « à la française », unique en son genre, est critiqué sur le motif de « l’enfant gâté ». S’il faut faire attention à ce type de discours, il est aussi sain de s’interroger sur les aides du CNC qui soutient à la fois un secteur industriel et culturel. Fallait-il par exemple que deux versions de La Guerre des boutons soient financées par des subventions régionales, en partie alimentées par le CNC ? Oui au regard du soutien industriel, non au regard des critères culturels. Les aides ne sont-elles pas également trop faites pour les producteurs déjà bien établis et aptes à rassurer les financeurs ?
Ce que le rapport de l’inspection des finances ne dit pas, c’est qu’en dehors du confort de production que confère le CNC, se cache, malgré tout, un système D cinématographique que Donoma, qui sort sur les écrans ce mercredi, révèle au grand jour. Des films se font en dehors de tout le système des chaînes et du CNC, grâce à l’abnégation et à l’énergie des cinéastes. Il faut s’en réjouir et peut-être aussi s’attrister qu’un talentueux Djinn Carrénard (Donoma) ait d’emblée estimé que l’accès aux aides n’était pas fait pour lui. Le plus alarmant est encore peut-être qu’une fois les films produits dans des conditions d’auto-production, ils continuent d’être pénalisés par le système. Ainsi Monsieur Morimoto de Nicola Sornaga (Le Dernier des immobiles), sélectionné à Cannes en 2008 à la Quinzaine des Réalisateurs, produit et réalisé avec plus de volonté que d’argent, n’a pas droit aux aides après réalisation, ni aux aides à la distribution, le privant depuis trois ans d’une sortie en salles viable.
Le rôle du CNC, comme organisme de régulation du marché, n’est-il pas de faire en sorte que les films dits professionnels et les films auto-produits puissent mieux co-exister dans les salles de cinéma ?