«La plupart des hommes ne sont justes que parce qu’ils sont visibles» : le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand résumait ainsi, le 21 juillet devant l’Assemblée Nationale, le substrat de sa défense de la loi contre le téléchargement illégal. Est-ce donc à dire qu’il est injuste − amoral, donc − de partager des copies de chansons, de livres ou de films via l’internet? Dans la bataille de communication qui fait rage autour de la loi Hadopi, un nouveau glissement sémantique s’est donc subrepticement opéré : d’illégal, il est devenu injuste de pratiquer le téléchargement.
À comprendre le Ministre, il faudrait donc, au nom de cette justice, rendre tout internaute «visible», et ce faisant le rendre vertueux − George Orwell n’aurait sans doute pas imaginé mieux pour justifier Big Brother. Nous publions aujourd’hui un entretien avec Nina Paley, une artiste qui, pour être donc amorale, n’en demeure pas moins une avocate plutôt convaincante du partage libre de la culture par internet. Artiste multiple, elle a, tout au moins, le mérite de proposer des arguments fondés et passés à l’épreuve de sa propre expérience. Une approche concrète et concernée qui manque peut-être aux auteurs de grandes phrases qui ne manquent plus dans le débat politique univoque.