Depuis janvier, tous les troisièmes vendredi de chaque mois, place au septième art du continent noir dans la salle de spectacle du Musée Dapper. Pour le quatrième rendez-vous, vendredi 15 avril, les spectateurs ont pu apprécier deux moyen-métrages du Nigérien Oumarou Ganda.
« Presque invisible dans les pays africains eux-mêmes, le cinéma africain hiberne dans les cinémathèques européennes quand il n’orne pas les festivals internationaux. » Au vu de la très faible programmation de films africains dans les salles françaises, on ne peut que donner raison au professeur Samba Gadjigo, qui fait ce constat dans l’ouvrage « L’Afrique dans le centenaire du cinéma ». Et se réjouir de l’initiative de l’association Racines et de RFI, en partenariat avec RFO et Les Cahiers du Cinéma, de projeter quelques bijoux cinématographiques africains.
Pour l’inauguration de ce ciné-club, le 21 janvier, les programmateurs avaient choisi Heremakono, du Mauritanien Abderrahmane Sissako, Étalon de Yennenga (l’équivalent de la Palme d’or) lors de l’édition 2003 du Fespaco (festival panafricain de cinéma de Ouagadougou). L’histoire d’un jeune homme à Nouadhibou, village de pêcheurs de la côte mauritanienne, attendant auprès de sa mère son départ pour l’Europe. Une œuvre innovante dans sa forme, au rythme lent et à l’esthétique poétique, qui tranche avec d’autres films africains à la facture plus classique. Cette première séance a recueilli un immense succès, avec une salle comble, la présence de Danny Glover en soutien au ciné-club, du réalisateur et un débat avec Emmanuel Burdeau, des Cahiers du Cinéma.
Le 18 février, les spectateurs ont pu apprécier en avant-première Moolaadé, du Sénégalais Ousmane Sembène, primé au Festival de Cannes 2004 dans la sélection « Un certain regard », depuis sorti dans les salles françaises (voir la critique de Sophie Labeille).
La projection du mois de mars a fait place à quatre court-métrages, de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Nigéria et d’Haïti. Une forme qui réserve de belles surprises, comme en a attesté cette soirée ainsi que la sélection officielle de court-métrages du Fespaco 2005. Alors que les long-métrages traitaient souvent de thèmes fréquemment abordés (les rapports avec l’ancien colonisateur, l’immigration et les souffrances qui en découlent, les guerres ethniques…), la sélection des courts surprenait par la variété des œuvres : de petits films abordant des sujets de la vie quotidienne avec beaucoup d’humour (Casting pour un mariage, Romantisme, deux comprimés matin et soir, deux films tunisiens) ou se frottant à l’animation avec beaucoup de talent pour mettre en scène un vieux conte africain ou une fable moderne sur l’usage du téléphone portable, servie par des personnages de pâte à modeler.
Vendredi dernier donc, le musée Dapper avait programmé un hommage au Nigérien Oumarou Ganda, rôle principal de Moi un Noir de Jean Rouch, puis passé à la réalisation en 1968 avec un film autobiographique, Cabascabo. C’est ce moyen-métrage, qui reconstitue le trajet d’Oumarou Ganda dans le corps expéditionnaire français en Indochine, qui a été présenté au ciné-club, suivi de Saïtane, une critique sociale sur la superstition et la crédulité autour d’un marabout servant d’entremetteur entre une femme adultère et un amant fortuné.
La prochaine séance du Ciné-club Afrique aura lieu le vendredi 27 mai à 20h30 avec la projection de L’Afrance, du Sénégalais Alain Gomis, justement prix Oumarou Ganda au Fespaco 2003. L’Afrance (titre qui rappelle immanquablement le terme de « Françafrique », fréquemment utilisé pour qualifier les sombres rapports entre la France et ses anciennes colonies) s’attarde sur le sort d’El Hadj, étudiant sénégalais à Paris, dont l’avenir se trouve violemment remis en question par la douleur de l’exil et les réalités de la vie parisienne. Gomis a lui-même été étudiant à Paris et a réalisé de nombreux reportages sur les jeunes issus de l’immigration dans le cadre d’ateliers vidéo pour la ville de Nanterre. La projection sera suivie d’un débat en sa présence.