Du 4 au 10 juin 2008, se sont tenues à la Filmothèque du Quartier Latin les Soirées du cinéma ukrainien. À cette occasion, les spectateurs ont pu découvrir un cinéma méconnu. Compte-rendu.
Que sait-on de l’Ukraine ? Que sait-on vraiment du cinéma ukrainien ? Soyons honnêtes, peu de choses. D’une part parce que la censure a longtemps été véhémente dans ce pays, l’esthétisme de cet art étant mal compris. D’autre part, parce qu’aujourd’hui ce cinéma s’exporte mal et cherche à renaître de ces cendres laissées par l’oppression russe. Voilà pourquoi les soirées du cinéma ukrainien existent et doivent continuer. Elles permettent autant de restaurer des œuvres oubliées que d’illuminer les plus cachées, les plus obscures, les moins vues, les moins célèbres. Des succès populaires tels que Sappho, au cinéma expérimental de Kira Muratova, en passant par la sensibilité de La nuit est claire réalisé par Roman Balaian et l’incontournable Les Chevaux de feu de Serguei Paradjanov, la programmation a été riche, exhaustive, et le public, toujours curieux, a répondu présent.
Au-delà des conflits de nationalités, entre russe et ukrainien, les discussions entre les réalisateurs et le public rappellent combien la confrontation est nécessaire pour ouvrir et construire un dialogue face à cet inconnu qu’est le cinéma de l’Est. Parfois des désaccords se ressentent, l’hermétisme peut rebuter et contrarier, mais l’inventivité, l’originalité triomphent toujours.
Kira Muratova reste fidèle à elle-même. Tendre petite teigne, elle défend son travail d’artiste, sa volonté de tourner en russe, et son cinéma engagé. Derrière l’insondable dandy Roman Balaian se cache un grand conteur, qui sans se lasser, racontait ses histoires de tournages aussi rocambolesques et touchantes, les unes que les autres. Tous portaient avec eux cette passion de faire des films et d’en parler à un public étranger.
Les trois (Kira Muratova, Roman Balaian, Evgeny Golubenko) semblaient distraits mais complices à la conférence de presse. Chacun surenchérissait aux blagues de l’autre, et les rires affluaient du public. Certes, il reste encore à faire pour promouvoir le cinéma en Ukraine, et cultiver une éducation à l’image. Mais quand une voix hasardeuse interroge le trio pour demander la définition du cinéma ukrainien, son histoire, son avenir, le scénariste de Kira Muratova, Evgeny Golubenko sort le nez de son croquis, et bredouille : « Pour en discuter, il faudrait sa mort et nous pourrions le disséquer. » Et Lubomir Hosejko, historien du cinéma ukrainien ajoute : « le mettre dans l’alcool ?» Éclatent ainsi des rires, simples, légers. Et pour revenir à la réalité, un autre souffle : « Plutôt que la nécrologie, restons dans le vivant. » Soit !