Repris sur les écrans cette semaine, Bugsy Malone est sans doute l’un des meilleurs films de gangsters : une parodie qui en reprend tous les codes… à quelques détails près. Un régal mêlant références à la grande tradition américaine des films de mafia et comédie musicale version cabaret.
New York, la nuit. Des silhouettes noires inquiétantes se coursent à travers les rues pavées sombres et humides… un meurtre. On s’engouffre ensuite dans un speakeasy : nous sommes en pleine prohibition, et ces établissements clandestins (où l’on doit parler doucement pour ne pas de faire repérer) font florès. Claquettes, piano bastringue, chanteuses langoureuses en robes pailletées, vapeurs d’alcool et de fumées… Puis, une irruption, des cris, des coups de feu qui fusent. La guerre des gangs opposant Fat Sam et Dan le Dandy fait rage, et Bugsy Malone, petite frappe maligne et chéri de ces dames, est appelé à la rescousse par Fat Sam.
Pas de doute, nous sommes dans un vrai film de gangsters, dans la plus pure tradition américaine. Et pourtant, nous sommes dans un film anglais. Aux manettes, Alan Parker, touche à tout de génie, auteur de films aussi différents que Midnight Express (1978), Pink Floyd, The Wall (1982) ou encore Birdy (1984). Devant la caméra, chefs de gangs, danseuses lascives et filles romantiques… tous pas plus âgés que treize ou quatorze ans ! C’est la grande trouvaille de Bugsy Malone, qui révéla notamment une actrice prodige : Jodie Foster, épatante de maturité dans le rôle de Tallulah (la même année, sous l’œil de Martin Scorsese, elle campe l’inoubliable Iris de Taxi Driver).
L’idée de génie du réalisateur découle directement d’un désir d’enfant : celui de son jeune fils qui lui demandait, lors des longs trajets en voiture pour rejoindre la maison de campagne familiale, de lui inventer des histoires de gangsters où les protagonistes seraient uniquement des enfants. Le résultat est d’une fraîcheur et d’une drôlerie réjouissantes. Une parodie-hommage plus vraie que nature, où l’âge des acteurs ne se lit que sur leurs visages juvéniles. Car de dos, de loin, mais aussi dans la façon de s’approprier la gestuelle maniérée des gangsters ou la lascivité exagérée des femmes fatales, les jeunes comédiens sont les parfaites répliques de leurs aînés. Rythme effréné, codes du genre repris et adaptés aux enfants (les mitraillettes sont des fusils à crème pâtissière, les voitures sont à pédales mais avec bruit de moteur réel, les whisky sont des sirops colorés…), décors et costumes typiquement années vingt : tout est reconstitué minutieusement, dans les studios Pinewood, jusqu’à l’accent italo-américain du chef de gang et les réparties bien senties des filles qui ne s’en laissent pas compter.
Les références vont de Scarface au Parrain en passant par les films de Fred Astaire. On pense aussi à Some Like it Hot (Billy Wilder, 1959), dans le même esprit de parodie et de détournement tout autant que d’hommage au genre gangster. Gangster, mafia, film noir, Bugsy Malone est aussi une épatante comédie musicale, mettant en scène des talentueuses jeunes danseuses de claquettes et des chansons orchestrées par Paul Williams, compositeur mythique, entre autres, de la bande originale de Phantom of the Paradise (De Palma, 1974) mais aussi du générique de La croisière s’amuse ! Finalement, en se jouant de la violence des adultes en la mettant en scène avec des enfants, Bugsy Malone reste dans la cour des grands. Il fut sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 1976.