1990 – 2009 : voici arriver en DVD, dix-neuf ans après sa sortie cinéma et son grand prix du défunt festival d’Avoriaz, le troisième épisode officieux de la série à grand succès Creepshow. On peut faire mieux en terme d’exclusivité post-sortie ciné – et accessoirement, en termes globaux d’intérêt. Vieilli, pas franchement passionnant déjà à l’époque, Les Contes de la nuit noire rappellera sans doute de bons souvenirs vintage aux nostalgiques du sous-genre « à la Creepshow ». Pour les autres…
Les Contes de la nuit noire, c’est un grand film à mystère. Non que les trois courts métrages horrifiques qui constituent le film ne proposent grand-chose en matière de suspens et d’épouvante efficace, mais tout ce qui entoure le film demeure assez étrangement mystérieux. Prenez le cru 1991 du festival d’Avoriaz, qui allait bientôt mourir pour renaître de ses cendres à Gérardmer : incompréhensible. Rien à craindre, a priori, du côté du jury : Michael Cimino président, secondé, notamment, par Larry Cohen (réalisateur du Monstre est vivant, l’un des films d’horreur les plus traumatiques de son époque), Jodorowsky et Volker Schlöndorff. Du côté de la sélection, s’annonçait une distribution comblant d’aise les fantasticophiles : Terracotta Warrior de Ching Siu-Tung, Hardware, le remake pop-halluciné d’Alien par Richard Stanley, Chucky premier du nom, le remarquable Cabal de Clive Barker, ou le merveilleux et injustement méconnu Les Ailes de la renommée d’Otakar Votocek. Du côté du plus rude, L’Échelle de Jacob, l’étonnant thriller paranoïaque d’Adrian Lyne, Henry, Portrait of a Serial Killer, le délirant Les Feebles d’un Peter Jackson encore un brin audacieux à l’époque, ou le très extrême Singapore Sling de Nikos Nikolaïdis étaient sur les rangs pour assurer des nuits courtes et agitées au festivaliers.
Autant dire que le palmarès promettait. Et voilà que sort couronné de cette édition pourtant riche en inventivité, en humour, et en terreur pure, le très sage Les Contes de la nuit noire, sorte de téléfilm de luxe estampillé Romero / Stephen King, remporte le grand prix. Incompréhension légère à l’époque, mais guère plus : le triomphe, l’année précédente, du très similaire Lectures diaboliques contre, notamment, le terrible Simetierre de Mary Lambert avait pavé la voie. Avoriaz allait disparaître, et paraissait un brin sénile : soit. On s’en accommoderait. Son prix devait assurer aux Contes de la nuit noire un beau petit succès – comparativement aux carrières de film fantastiques à l’époque – et c’était tant mieux pour lui. Une carrière fructueuse de passage lors des séances « frissons » de M6 du jeudi soir, et l’oubli se profilait pour ces petits Contes. Et voilà que TF1 vidéo, pour aucune raison particulière, nous ressort le film, en plein milieu de l’été, avec édition passablement indigente. Pourquoi ? Mystère, encore.
Mais d’ailleurs, de quoi s’agit-il ? En 1982, sort Creepshow, avec déjà en parrains George Romero et Stephen King. Quelques courts métrages liés ensemble par des séquences (mal) animées pour procurer du frisson « drive-in » aux spectateurs valent au film une réputation pas forcément usurpée, d’ailleurs, puisque à la fois le réalisateur de La Nuit des morts-vivants et l’auteur de Cujo s’en donnent à cœur joie pour ressusciter à l’écran les frissons des Penny Dreadful, petits magazines de comics remplis d’histoires d’horreur abracadabrantes et complaisantes. Quelques années plus tard, un Creepshow 2 retente le coup, avec un joli succès public, mais sans Romero : la veine semble déjà se tarir. Les fans sont présents, cependant, comme ils le seront pour Les Contes de la nuit noire, qui constitue donc un troisième épisode officieux à la série (qui connaît d’ailleurs un Creepshow 3 très récent, sorti en direct-to-DVD aux États-Unis).
Quatre Contes nous sont donc proposés. Le conte central, celui qui structure le film, met aux prises Debbie « Blondie » Harry en parfaite maîtresse de maison-sorcière cannibale, et un gamin prévu au dîner qui lui fait le coup de Shéhérazade : « tu aimes les histoires horribles ? Je vais t’en raconter et reculer le moment de la cuisine finale…» Le premier segment est signé Sir Arthur Conan Doyle, rien moins (bien qu’on ne soit pas sûr qu’il ait activement participé au scénario, même si, avec ces histoires de résurrection, on ne sait jamais…), avec une sombre histoire de momie revenue d’entre les morts pour venger un nerd binoclard et frustré. Amusant et gentiment amoral (c’est la marque de fabrique des comics originaux), ce segment vaut surtout pour le côté people, pour les compositions de jeunes acteurs devenus grands : Christian Slater, Steve Buscemi et une Julianne Moore méconnaissable sous une perruque improbable et hautement 1980’s. Le second segment, de loin le plus prometteur, et également le plus décevant, oppose un tueur à gages confirmé à… un chat. Extrêmement ambitieux dans la forme, également terriblement gore, le film déçoit notamment par son absence totale de rythme. Restent des effets d’un gore réjouissant, et encore une fois une conclusion amusante dans sa méchanceté. Le troisième segment, enfin, place dans un environnement urbain actuel un bon vieux conte de promesse à tenir. Pourvu, notamment, d’effets passablement réussis – même si assez peu efficaces horrifiquement parlant – ce dernier conte se regarde avec la placidité venue d’un scénario réussi mais terriblement prévisible.
Les Contes de la nuit noire conservent, finalement, ce qui avait fait leur intérêt à l’époque de la sortie : les effets spéciaux réussis. Évidemment plus destinés à la génération pré-Computer Generated Images qu’aux enfants du tout démonstratif Narnio-potterien, ces effets pimentent un film pop-corn qui évoque plus aujourd’hui une anthologie sortie de Masters of Horror qu’un film à proprement parler. Quant à l’édition DVD, TF1 propose la portion congrue : film, VO, VF, chapitrage (c’est important) et, ô ultime ambroisie du cinéphile, ô inespéré trésor d’époque : la bande-annonce. Admettons que le prix de 14,99€ justifie une si faible motivation à créer un DVD digne de ce nom, mais pour un film tel que Les Contes de la nuit noire, on aurait espéré quelques entretiens ou reportage sur les effets ou, on peut rêver, un documentaire sur le public si particulier, si 1980’s, qui prisait particulièrement ce genre de cinéma.