Bizarrement placé en ouverture de la Semaine de la critique, le premier long métrage de Rufus Norris est une jolie petite chose vaine misant sur la fraîcheur de son héroïne, Eloise Laurence, sans raconter quoi que ce soit de consistant.
Drôle d’été pour le cinéma anglais. Après le gentillet La Part des anges, voici le tout aussi insignifiant Broken. Il ne faut pas généraliser sur deux films, mais notre voisin britannique avait tout de même il y a une époque pas si lointaine des productions plus denses.
Broken est l’un de ces films à double effet. En salle, vous êtes plutôt saisis par l’émotion. Vous découvrez une actrice, Eloise Laurence, dont on entendra sans doute parler. Vous retrouvez avec plaisir Tim Roth et Cillian Murphy (le premier bien plus que le second, il faut être clair). Vous écoutez du Damon Albarn, ce qui ne fait pas trop mal aux oreilles. Bref, l’ensemble est assez agréable. Et puis, vous sortez de la salle, et là le contrecoup est dévastateur. Le film est oublié en quelques instants. Tout ce qu’il vous en reste a, par ailleurs, un arrière-goût désagréable.
Metteur en scène de théâtre et d’opéra connu, Rufus Norris signe un premier long-métrage foncièrement chichiteux. Il arbore des thèmes sans oser s’y frotter. Il repousse du mieux qu’il peut la violence vers le terme du film, donnant la drôle d’impression de nous la faire attendre. Parce que, il faut le dire, on s’ennuie fermement à l’évocation des tribulations adolescentes de Skunk, jeune diabétique de 11 ans. Tout est trop cliché. Notre héroïne rencontre la violence des adultes, découvre l’amour et ses méandres, a du mal à surmonter la mort de sa mère, et par voie de conséquence narrative à communiquer avec son père. Oh my God ! Comme cela est déjà vu, cent mille fois, mille fois, en mieux, en moins fade.
Le scénario, adaptation d’un roman par Mark O’Rowe (Boy A), est clairement plombé, mais c’est surtout la réalisation qui donne ce côté qui ne veut pas y toucher. La caméra a la bougeotte, ne lésinant pas sur la surexposition et le vaporeux, dans une image à la fois pastel et à gros grains qui dit tout de l’entre-deux du projet. Les acteurs pataugent dans ce marécage de faux esthète sans vraiment tenter de s’en extirper. Cillian Murphy est coincé dans son pull en laine, censé l’enlaidir, mais ne révélant par effet balancier que l’incongruité de sa présence au casting. Tim Roth est, lui, carrément décevant, sans doute engourdi par sa nouvelle carrière à la télévision. Incroyable de désinvolture, il joue le père à la fois distant et attendri avec l’énergie d’un dépressif profond.
On repense pour le coup à Made in Britain d’Alan Clarke, dont il aura fallu en France la réédition de l’œuvre en DVD pour enfin se rappeler ce réalisateur majeur. Tim Roth y interprétait son premier rôle à sur grand écran, celui d’un jeune skinhead, ruant dans les brancards, terminant sa course folle dans un monologue fou sur la loi et l’ordre dans une salle de classe aux allures de prison. Skunk, quant à elle, finit son parcours en soliloquant dans une église, hésitant entre la mort et la vie, alors qu’on pourrait mettre sa main à couper que la jeune fille ne passera pas à trépas. Le temps détruit tout, comme dirait l’autre.