Alors qu’on souligne régulièrement combien les papys d’Hollywood cherchent la recette de la longévité dans une auto-dérision qui cache tant bien que mal ses intentions premières – payer le prix de l’ironie pour rappeler, qu’en d’autres temps, on fut bel et bien une icône –, on oublie parfois de souligner la tendance inverse qui voit la jeune garde du cinéma anglo-saxon issue du divertissement prépubère s’employer à souiller son image d’enfants trop sages.
Au service de la deuxième de ces aspirations contraires, Charlie Countryman réunit dans un Bucarest camé et interlope deux anciennes idoles du jeune public : Shia « Disney » LaBoeuf et Rupert « Poudlard » Grint. Bonne pioche que d’avoir recruté ces deux-là : embarqués dans des trips fiévreux, les deux acteurs apparaissent comme pratiquement défigurés, arborant des visages suintant une épaisse transpiration malsaine et des regards hallucinés assez effrayants (LaBoeuf clame d’ailleurs que certaines scènes auraient été tournées alors qu’il était véritablement sous acide). Bien qu’il représente un spectacle plutôt étonnant (la scène des Viagra), l’encanaillement de Louis Stevens et Ron Weasley s’avère malheureusement être moins un enjeu pour le film qu’une vague sur laquelle il surfe opportunément. Après tout, LaBoeuf multiplie les frasques déjà depuis une paire d’années et Grint, lui, fait tout pour ne plus être la frimousse rouquine de Harry Potter (il incarne même le guitariste punk Cheetah Chrome dans un film sur le CBGB encore inédit en France). Bref, pour le portrait d’une génération en voie de radicalisation, il faudra repasser.
Où le ciné indie se fourvoie
À défaut de proposer une œuvre véritablement charnière dans la carrière des deux comédiens, le premier film de l’ex-réalisateur de publicités Fredrik Bond porte en lui les signes – qui sont autant de symptômes – du cinéma indie contemporain. Mettant le cap vers l’Est, vaste terrain de jeu pour une jeunesse en soif de sensations fortes balisées, Charlie Countryman s’appuie sur un scénario aussi fouillis qu’insipide de Matt Drake, l’auteur de Projet X. Entre les lignes de cette chronique d’une mort annoncée (le titre en version originale présente même l’issue fatale comme « nécessaire »), un éloge de la vie pointe doucement son nez par le biais d’une bluette entre le protagoniste américain pleurant le décès de sa mère et une mystérieuse Roumaine, fille de l’homme mort sur l’épaule de Charlie dans l’avion. Car, même si le film concentre le spectacle de trois morts successives dans son premier quart d’heure (dont celle du personnage éponyme dès le générique), ce n’est que pour mieux célébrer par la suite une philosophie un peu neuneu du « saisir l’instant présent ».
Pour enregistrer cette spontanéité alimentée par des accélérations brutales, le cinéaste débutant mise sur une ambiance ouvertement « psyché » censée intensifier la perception de chaque instant. Mais, d’avantage dans la lignée de Trance de Danny Boyle que de, disons, The Trip de Roger Corman, la réalité exaltée mise en place par Charlie Countryman se sert uniquement d’un tremplin académique tissé de cadrages obliques, de dérèglements chromatiques comme passés au tamis d’Instagram et de ralentis sur-signifiants rythmés par les accords ouatés d’une musique branchée (The XX, Sigur Rós…). S’il s’agit bien de provoquer une sorte de vertige sensoriel, le film, trop timoré, n’ose pas s’aventurer au-delà de la barrière de ses propres influences médiocres. Il se pourrait bien, finalement, que la « mort nécessaire » du titre ne soit autre que celle des ambitions d’une frange du cinéma indie trop rapidement satisfaite par ses petites maîtrises formelles, privilégiant une imagerie depuis longtemps éculée au dépens d’une dramaturgie réduite à l’état de prétexte.