De doux illuminés de cinéma nous font partager leur passion dévorante, celle de faire des films envers et contre tout. C’est à travers des extraits de leurs films, leurs interviews et celles des bénévoles participant à la réalisation de leur(s) projet(s) que sont présentés les trois hommes.
Jean Jacques Rousseau est maçon de profession, Max Naveaux ancien projectionniste et Jacques Hardy enseignant retraité. Tous n’ont qu’une idée en tête, concevoir, écrire, réaliser leurs propres films. Avec très peu de moyens mais beaucoup d’énergie, ils mettent en scène leurs amis, improvisent des castings sur les marchés, construisent des maquettes pour leurs effets spéciaux. Jean Jacques Rousseau aura ce mot pour témoigner de l’intensité de sa passion : « Si j’avais eu les moyens de Spielberg, j’aurais fait mieux ; mais si Spielberg avait eu mes moyens, jamais il n’aurait fait du cinéma » Le ton est donné, ce personnage fantasque s’insurge contre la machinerie cinématographique hollywoodienne à la manière provocante d’un José Bové. Ses deux confrères, moins extravagants, n’en sont pourtant pas moins originaux. Jacques Hardy engage le sénateur et le sacristain de son village pour un remake d’Astérix quand Max Naveaux s’enferme dans sa roulotte pour monter ses films de guerre muets et les commenter en voix off.
Sans argent et sans matériaux adaptés, ces films « faits à la maison » exhibent leurs propres coulisses dénonçant à chaque image une mise en scène maladroite faite de bric et de broc. À ce titre, la scène pittoresque où l’un d’eux dévoile sa maquette de soldats de plomb censée faire illusion pour une scène de guerre. Mais le spectateur est saisi véritablement par le dynamisme et l’opiniâtreté de ces cinéastes qui mobilisent une incroyable énergie dans un seul but : faire du cinéma. Et à chacun de faire son cinéma. Jean Jacques Rousseau n’hésite pas à tirer des coups de feu pendant le tournage d’un film parce que « quand les acteurs doivent jouer des loubards, c’est mieux que le réalisateur ait un pistolet dans la main, ça les conditionne ». L’homme en apparaissant cagoulé tout au long du documentaire, afin de ne pas se faire voler son image (sic), se détache du trio déjà haut en couleur, par une exubérance et une ambition assumée jusque dans la composition d’un hymne au cinéma sur l’air de l’Internationale.
L’on pourrait presque dire que le sujet du documentaire est moins les hommes que la passion folle qui les anime. Ce sont bien des fous de cinéma et des fous du Cinéma, décrétés « surréalistes » par les non moins farfelus Poelvoorde et Godin. Le comédien et l’entarteur belge mettent l’accent sur l’originalité de ces films qu’ils jugent en tout point modernes par la conception extravagante que chacun de ces cinéastes se fait du cinéma. Ceux-ci ne se gênent pas en effet pour déroger aux règles de base de l’art cinématographique. Autodidactes, ils ne veulent se soucier à aucun moment des modalités de narration ou de vraisemblance et encore moins des techniques de coupes, de montages ou de raccords. On peut se demander toutefois si l’étiquette « surréaliste », accolée un peu vite à ces sortes d’ovnis, ne participe pas à la récupération de films si extraordinairement insensés qu’ils demeurent inclassables et peut-être devraient le rester.
Pourquoi a-t-on envie de juger fous ces hommes sans pourtant parvenir à se moquer de leur folie ? Il est remarquable que ce soit le sérieux et le travail de ces cinéastes qui portent à la fois à sourire et à les louer. Aucun d’eux ne tient de l’amateur dilettante exerçant une activité de façon sporadique et désordonnée. Non, ce sont des hommes qui se vouent corps et âmes à leur passion ainsi que le titre du documentaire le laisse entendre. Tous n’ont qu’une seule idée, partager avec leur public (« un certain public », précise J.J. Rousseau) la passion de faire du cinéma. Un plaisir véritablement communicatif.