Frédéric Sojcher s’aventure avec HH — Hitler à Hollywood dans le genre du faux documentaire. La rencontre d’un nouveau moyen de production d’images (le film est tourné avec le Canon 5D Mark II) avec un genre qui s’amuse à entretenir la confusion entre fiction et documentaire, aurait pu et aurait du porter plus d’enjeux quant à l’image et à son rapport au réel. Malheureusement, le réalisateur en tire un film esthétiquement artificiel et au discours plutôt naïf.
Dans le cadre de la réalisation d’un documentaire sur Micheline Presle, Maria de Medeiros cherche à retrouver un certain Luis Aramcheck, cinéaste mystérieusement disparu après la guerre et auteur du film dont l’actrice du Diable au corps est la plus fière : Je ne vous aime pas. L’enquête mène à une double découverte : le complot fomenté par les américains afin de neutraliser la production cinématographique européenne et la construction, engagée par Aramcheck, de studios de cinéma européens censés concurrencer Hollywood. Si les deux actrices apparaissent dans leur propre rôle, l’intrigue est pour le coup le fruit de l’imagination du cinéaste belge.
Ce qui saute aux yeux dès les premières minutes du film est le choix que fait Frédéric Sojcher vis-à-vis de la couleur. À la saturation caractérisant les deux actrices répond la désaturation des personnages liés au passé d’Aramcheck. Seulement, cette association semble réduite à une dimension purement explicative et ne porter aucun enjeu plastique. De la même manière, ne découle de l’utilisation du Canon 5D Mark II aucun choix esthétique, si bien qu’on peut légitimement se demander si le réalisateur n’a pas simplement cédé au plaisir anecdotique de la manipulation d’un nouveau jouet.
Le film se voudrait un thriller doublé d’une réflexion sur le cinéma. Mais Frédéric Sojcher n’assume pas son sujet et se noie, faute de précision, dans une palabre généralisante et clichée. Ainsi, se profile à travers le projet avorté d’Aramcheck, un discours très réducteur sur l’éternelle opposition entre cinéma hollywoodien et cinéma européen, le mystérieux cinéaste incarnant le désir de revanche de l’Europe sur l’hégémonie américaine. Hollywood n’est évoqué que par le biais de son pouvoir économique et le cinéma européen n’en finit pas d’être victimisé. Les possibilités cinématographiques comprises entre ces deux pôles ne sont par contre jamais signalées. L’ambition de Frédéric Sojcher s’avère donc être plutôt limitée. Car que fait-il à part tourner autour d’un lieu commun ? La confrontation des productions européenne et américaine avait trouvé dans L’État des choses le lieu d’un débat bien plus équivoque, Wim Wenders se situant toujours entre les deux traditions cinématographiques sans jamais prendre définitivement position. Résulte de cette combinaison d’une photographie didactique et d’un propos figé un film dans lequel toute possibilité de questionnement sur l’image ou la production cinématographique se trouve avortée dans l’œuf.