Avec son titre qui sent bon les comédies poids lourds des années 1980, Comment tuer son boss ? a le charme des blockbusters paresseux qui hantent les salles au mois d’août. Mais l’indulgence a ses limites, surtout lorsqu’est sortie quelques semaines plus tôt une gourmandise aussi délicieusement calorique que Mes meilleures amies. En comparaison, cette pochade un brin lourdingue peine à dépasser le niveau de la blague potache, en dépit de l’hystérie terriblement communicative de Charlie Day et du parfait contre-emploi de Jennifer Aniston en dentiste nympho.
Une chose est sûre : nos amis américains ont le sens du concept qui fait mouche. L’histoire de Comment tuer son boss ? tient sur une serviette en papier : trois potes, agacés d’être humiliés, harcelés, martyrisés par leurs patrons, décident de s’allier pour les liquider. Le petit plus du film ? Les boss en question sont incarnés par trois vedettes sur le retour, trop heureuses de pouvoir cabotiner en toute liberté, loin des rôles qui ont fait leur succès. L’exquise Jennifer Aniston (actrice comique démentielle, totalement passée à côté de sa carrière après l’écrasant succès de Friends) est celle qui, de très loin, tire son épingle du jeu. En dentiste incroyablement vulgaire qui harcèle avec une perversité sans faille son pauvre assistant, l’actrice est assez phénoménale, prenant un plaisir très manifeste à malmener son image de petite fiancée de l’Amérique. Hélas, le réalisateur Seth Gordon et ses scénaristes n’ont visiblement pas su quoi faire de leur sympathique idée de départ : cruellement sous-exploité, le personnage reste un prétexte un peu beauf pour justifier une poignée de scènes où l’actrice expose ses sous-vêtements en débitant des insanités.
Les autres patrons du film, eux, ont encore moins de chance : Kevin Spacey reprend peu ou prou son rôle de Swimming with Sharks avec quelques kilos en plus et Colin Farrell, affublé d’une perruque grotesque, est tout bonnement pathétique. Comment tuer son boss ? souffre du même mal qu’une autre comédie sortie l’an dernier, Crazy Night, également incapable de capitaliser sur deux perles du rire américain (Steve Carell et Tina Fey) et une idée géniale restée au stade d’idée (un couple de quadra banlieusards fatigués se retrouve pris dans un imbroglio mafieux lors d’une soirée dans un resto chic de Manhattan). Comme si les castings luxueux de ces films, composés d’acteurs ayant prouvé leurs talents d’improvisation à la télé, pouvaient suffire à faire passer des scénarios écrits à la va-vite par des auteurs paresseux.
Omniprésents à l’écran, les trois lascars bien décidés à dégommer leurs affreux chefs semblent un brin perdus : Jason Bateman passe la moitié du film à tirer la tronche (on le préférait en clown blanc dans la série culte Arrested Development, summum du rire absurde) et Jason Sudeikis, irrésistible pilier du Saturday Night Live, est totalement transparent. Reste le cas Charlie Day, assez justement comparé par l’un des protagonistes du film à un hamster. Sorte de croisement improbable entre Paul Rudd et Danny DeVito (avec qui il partage l’affiche de la série It’s Always Sunny in Philadelphia), le comédien tire le film vers des sommets d’hystérie burlesque, transformant chaque ligne de dialogue en logorrhée suraiguë surlignée par une occupation de l’espace assez étonnante pour un homme de moins d’un mètre soixante-dix. Pour sûr, il en fait trop, mais c’est à lui que le film doit ses rares éclats de rire. Ses scènes face à Jennifer Aniston (l’assistant dentaire harcelé, c’est lui) laissent songeur : si seulement Comment tuer son boss ? s’était contenté de ces deux-là…